Source : Cass.Com 6 janvier 2021, n°18-25.098
C’est ce que précise la Chambre Commerciale, dans cette décision, inédite, comme suit :
« …Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (cour d’appel de Lyon, 27 septembre 2018), par un acte authentique du 17 mars 2010 reçu par M. A…, la société Champignon, représentée par Mme L… et M. O…, a vendu à la société Les Griottines, représentée par M. U… et Mme R…, un fonds de commerce de restaurant au prix de 45 000 euros.
2. Par un acte notarié reçu le même jour par M. A…, Mme L… et M. O… ont consenti à la société Les Griottines un bail portant sur les locaux dans lesquels était exploité ce fonds, moyennant un loyer mensuel de 450 euros.
3. La société Champignon a fait l’objet d’une liquidation amiable, clôturée le 16 avril 2010.
4. Estimant qu’elle avait été victime d’une réticence dolosive, la société Les Griottines, ainsi que M. U… et Mme R…, ont assigné M. O… et Mme L…, celle-ci à titre personnel et en qualité de mandataire ad hoc de la société Champignon, afin de voir annuler l’acte de cession du fonds et le bail commercial conclus le 17 mars 2010. Mme L… a appelé en garantie M. A….
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches, et le second moyen, ci-après annexés
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme L…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de mandataire ad hoc de la société Champignon, fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité du contrat de cession de fonds de commerce, de condamner la société Champignon à restituer à la société Les Griottines le prix d’achat du fonds, de condamner la société Les Griottines à restituer à la société Champignon le fonds de commerce dans l’état où il se trouvait au jour de l’entrée en jouissance, de prononcer la nullité du bail commercial et de rejeter les demandes de Mme L…, alors « que le cédant d’un fonds de commerce et du bail commercial afférent à celui-ci n’est pas tenue d’informer le cessionnaire des éléments relatifs aux modalités d’exploitation du fonds que ce dernier est en mesure de connaître lui-même ; que, pour prononcer l’annulation pour dol de l’acte de cession du fonds de commerce de restauration conclu le 17 mars 2010 avec la société Les Griottines, et du bail commercial conclu avec cette société le même jour, la cour d’appel a considéré que la SARL Champignon, Mme L… et M. O… auraient dû porter à la connaissance de la société Les Griottines, de M. U… et de Mme R… les dispositions du règlement de copropriété de l’immeuble excluant les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs, et les conséquences d’une contravention à ces dispositions, ainsi que la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 indiquant que l’activité de consommation de plats cuisinés était tolérée à condition qu’aucune clientèle ne soit accueillie sur place après 20 heures ; qu’en statuant de la sorte, quand il incombait à la société Les Griottines de se renseigner sur les modalités d’exploitation du fonds de commerce cédé au sein de la copropriété dans lequel il était situé, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; nouvel article 1137 du code civil).
Réponse de la Cour
7. L’arrêt constate, d’abord, que le règlement de copropriété de l’immeuble dans lequel se trouve le fonds de commerce vendu à la société Les Griottines mentionne, concernant les locaux affectés à un usage commercial, que sont exclus les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs, que les baux consentis par les propriétaires devront contenir la déclaration par les locataires de ce qu’ils se soumettent à l’obligation de se conformer à toutes les dispositions du règlement de copropriété et du règlement intérieur sous peine de résiliation des baux, et qu’en cas d’inobservation par un locataire et après un deuxième avertissement donné par le syndic au copropriétaire, celui-ci sera tenu de donner congé à son locataire et d’en poursuivre l’expulsion. L’arrêt constate, ensuite, que l’assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 a décidé de tolérer, dans les locaux objet du bail litigieux, l’installation d’une salle de dégustation de plats cuisinés prêts à emporter, et donc l’exercice de l’activité de restauration, sous la réserve que les conditions de cet exercice ne soient pas modifiées et qu’il n’y ait pas de réception de clientèle après 20 heures. Il constate, en outre, que le procès-verbal de l’assemblée générale du 26 janvier 2000 mentionne, après rappel de la décision du 11 mai 1989, que « cette autorisation excluait donc toute fabrication de plats sur place et interdisait donc toute activité de restauration traditionnelle » et qu’à cette date, les copropriétaires ont décidé que le syndic adresserait au propriétaire des locaux une mise en demeure afin qu’il exige de ses locataires le respect de la décision du 11 mai 1989, ce à quoi se sont conformés les propriétaires du fonds de l’époque, qui n’ont pas ouvert le restaurant le soir.
8. L’arrêt retient, ensuite, que Mme L… et M. O…, propriétaires des locaux, connaissaient le contenu du règlement de copropriété, ainsi que les termes de la décision de l’assemblée générale du 11 mai 1989, portée à leur connaissance lors de leur acquisition du fonds le 4 mars 2008, que Mme L…, à la fois bailleresse de la société Les Griottines et représentante de la société cédante Champignon, ne démontre pas avoir porté à la connaissance de la société Les Griottines que le fonds cédé ne pouvait être exploité qu’à certaines conditions et que l’obligation légale de loyauté contractuelle imposait à la société Champignon de porter à la connaissance de sa cocontractante la décision de l’assemblée générale qui avait une incidence directe sur les conditions d’exploitation du fonds, comme l’avaient fait à son égard les précédents propriétaires.
9. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu déduire que la société Champignon avait commis une réticence dolosive justifiant l’annulation des cessions du fonds de commerce et du bail commercial.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;… »