Licéité de l’interdiction faite à des distributeurs agréés de vendre des produits de luxe sur Amazon

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :   CJUE, 6 décembre 2017, affaire C-230/16 COTY GERMANY (DE) c/ PARFÜMERIE ACZENTE.

 

Le Règlement européen du 20 avril 2006 définit le système de distribution sélective comme étant « un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système ».

 

Le Droit de la concurrence régit de tels systèmes de distribution, lesquels ne doivent pas cacher des accords verticaux contenant des restrictions graves de concurrence susceptibles d’être préjudiciables pour les consommateurs.

 

En l’espèce, un fournisseur de produits cosmétiques de luxe avait interdit à ses distributeurs agréés, dans le cadre d’un contrat de distribution sélective, d’avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet des produits contractuels, et notamment la plateforme de vente en ligne Amazon.de, au prétexte que la nature des marques attachées aux produits vendus exigeait une distribution sélective destinée à préserver leur image de luxe.

 

L’un des distributeurs agréés a saisi les juridictions allemandes de la question de la licéité des clauses contractuelles, notamment au regard de l’article 101 paragraphe 1 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). La juridiction nationale a estimé que l’objectif tenant à la préservation d’une image de prestige de la marque ne pouvait justifier, conformément à l’arrêt du 13 octobre 2011, Pierre FABRE DERMO-COSMETIQUE (C-439/09), l’instauration d’un système de distribution sélective, par principe restrictif de la concurrence, mais encore que cette clause constituait une restriction caractérisée au sens de l’article 4 du règlement n° 330/2010.

 

Dans le cadre de l’appel interjeté par le fournisseur, la juridiction de second degré a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE plusieurs questions préjudicielles pour déterminer si le système de distribution sélective litigieux respectait bien le droit européen de la concurrence.

 

Ainsi, la CJUE, faisant référence à une jurisprudence constante, a entendu préciser qu’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ses produits n’enfreint pas l’interdiction des ententes prévues par le Droit de l’Union, pour autant que les conditions suivantes sont respectées :

 

– Le choix des revendeurs doit s’opérer en fonction de critères objectifs qualitatifs, fixés d’une manière uniforme à l’égard de l’ensemble des revendeurs et appliqués de façon non discriminatoire ;

 

– Les critères objectifs définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la finalité poursuivie.

 

A cette occasion, la Cour rappelle que la qualité des produits de luxe ne résulte pas seulement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confère une sensation de luxe.

 

La Cour constate encore que l’interdiction des ententes prévue par le Droit de l’Union Européenne ne s’oppose pas à une telle clause contractuelle, dès lors que les conditions suivantes sont respectées :

 

– Cette clause vise à préserver l’image de luxe des produits concernés ;

 

– Cette clause est fixée d’une manière uniforme et appliquée d’une façon non discriminatoire ;

 

– Cette clause est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

 

En l’espèce, la CJUE considère que la clause litigieuse apparaît licite, puisqu’elle vise à préserver l’image de luxe et de prestige des produits du fournisseur de façon objective et uniforme sans discrimination à l’égard des distributeurs agréés.

 

Cette décision relève, au-delà de l’aspect juridique, d’une logique économique, puisqu’en l’absence de relation contractuelle entre les plates-formes Internet tierces et le fournisseur, ce dernier ne pourrait faire respecter les conditions de qualité qu’il exige auprès de ses distributeurs agréés et n’aurait donc aucun contrôle sur la façon plus ou moins appropriée dont ces marques seraient représentées auprès du public.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

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