L’existence de faits de harcèlement sexuel ne justifie pas nécessairement la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cass. Soc. 3 mars 2021, n°19-18.110

 

En l’espèce, une salariée qui occupe les fonctions de chef de groupe saisit la juridiction prud’homale en soutenant avoir été victime d’un harcèlement sexuel de la part de sa supérieure hiérarchique, et demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que celle-ci produise les effets d’un licenciement nul.

 

L’employeur est condamné au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, toutefois la salariée est déboutée de sa demande de résiliation judiciaire.

 

La salariée forme un pourvoi principal, l’employeur un pourvoi incident, s’agissant de sa condamnation au titre du harcèlement sexuel.

 

La Cour d’Appel a relevé sur ce dernier point que la salariée avait été destinataire de centaines de sms adressés par sa supérieur hiérarchique, contenant des propos à connotation sexuelle ainsi que des pressions répétées exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle :

 

Elle a ainsi recherché l’existence de faits de précis et concordants permettant de présumer de l’existence d’un harcèlement sexuel ainsi que l’absence de justification par l’employeur d’éléments objectifs à tout harcèlement.

 

Le pourvoi de l’employeur est rejeté.

 

S’agissant de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la Cour d’Appel a considéré notamment que les faits ne présentaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail compte tenu de leur ancienneté.

 

La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel et rejette le pourvoi de la salariée :

 

D’une part, aucun lien de causalité n’a été établi entre les faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime et les arrêts de travail pour maladie, a constaté la Cour d’Appel ; par ailleurs, le fait que l’employeur, informé des faits, ait réagi immédiatement et que la salariée n’ait saisi la juridiction prud’homale que 6 mois plus tard, ne caractérise pas un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

 

La résiliation judiciaire du contrat de travail se justifie lorsque les manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail.

 

La Cour de Cassation a jugé à plusieurs reprises qu’un manquement ancien ne justifie pas la résiliation judiciaire du contrat de travail

 

La Cour de Cassation a pris position s’agissant de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de la prise d’acte de la rupture, en décidant que  la circonstance que le salarié continue de travailler plusieurs mois après la survenance des faits avant de prendre acte de la rupture de son contrat et d’en demander la résiliation judiciaire était de nature à établir que ces faits ne rendent pas impossible la rupture du contrat.[1]

 

Ainsi lorsque ne pas avoir fait bénéficier à l’intéressé d’un entretien d’évaluation et de ne pas avoir fait suivre une formation suffisante, fait ancien, n’empêche également pas la poursuite du contrat de travail[2].

 

Ou lorsque le salarié invoque un différend relatif au solde d’une part variable d’une rémunération intervenue plus d’une année avant la saisine du Conseil des Prud’hommes[3] .

 

La Cour de Cassation a déjà considéré qu’en matière de harcèlement moral, dès lors que les faits sont anciens et ont cessé, la relation de travail s’étant poursuivie, les manquements de l’employeur à ses obligations ne sont pas d’une gravité suffisante de sorte que la demande de résiliation judiciaire pouvait être rejetée[4].

 

L’arrêt ci-dessus commenté s’inscrit dans le prolongement de ces décisions.

 

[1] Cass. Soc. 26 mars 2014, n°12-23.634 ; Cass. Soc. 26 mars 2014, n°12-35.040

 

[2] Cass. Soc. 9 décembre 2015, n°14-25.148

 

[3] Cass. Soc. 21 avril 2017 n°15-28.340

 

[4] Cass. Soc. 26 octobre 2017, n°16-17.992

Partager cet article