Source : 3e civ., 27 mai 2021, n°20-23.287
Le propriétaire d’un domaine viticole avait déposé, auprès de la commune, une demande de permis de construire en vue d’y édifier une maison à usage d’habitation. Ce dernier s’est vu refuser, par arrêté municipal, la délivrance de ce permis. Il a donc saisi le tribunal administratif de ce refus et ainsi obtenu son annulation.
Avant que le jugement ne soit devenu définitif, le propriétaire a confirmé sa demande de permis de construire, puis construit sa maison dans le courant de l’année.
Deux ans après le jugement de première instance, le Cour administrative d’appel infirmait ce dernier.
La commune a alors assigné le propriétaire en démolition.
Si la Cour d’appel a accueilli cette demande en se fondant sur l’inexistence d’un permis de construire tacite, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au motif que le juge judiciaire est incompétent pour se prononcer sur l’existence ou non d’un tel permis.
En l’espèce, il était évident que les conditions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dont se prévalait le propriétaire n’étaient pas réunies pour qu’il puisse se prévaloir de l’existence d’un permis de construire tacite. En effet, au terme de celui-ci, le pétitionnaire peut confirmer sa demande de permis de construire après jugement définitif annulant le refus de l’administration de délivrer un tel permis et ce dans les six mois suivant cette annulation.
Or, le pétitionnaire avait ici confirmé sa demande de permis de construire pendant le délai d’appel. Le jugement n’était donc pas devenu définitif. Il en résultait que les conditions pour se prévaloir de l’existence d’un permis de construire tacite n’étaient pas réunies.
Devant une telle évidence, la Cour d’appel de Nîmes n’a pas jugé utile de saisir le juge administratif d’une question préjudicielle afin qu’il se prononce sur l’existence ou non d’un permis de construire tacite.
La Cour de cassation lui donne tort dans un arrêt de principe, rappelant que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative ».
La Cour de cassation donne ainsi plein effet au principe de séparation des autorités judiciaires et administratives, lequel est un principe fondamental reconnu par les lois de la République[1] et a donc valeur constitutionnelle.
L’évidence ne saurait donc justifier une entorse à ce principe.
Camille GHESQUIERE
Vivaldi Avocats
[1] CC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence, n°86-224 DC