Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
A titre liminaire, il est important de rappeler qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, tout recours dirigé contre une décision de l’autorité administrative doit être présenté devant le juge administratif. A l’inverse, il est interdit au juge judiciaire, tel que le Conseil de prud’hommes, d’apprécier la légalité et le bien-fondé de la décision de l’inspecteur du travail.
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l’inspecteur du travail doit contrôler les faits invoqués par l’employeur à l’appui de sa demande, quelle que soit la nature de ces faits. L’autorité administrative doit s’assurer de la réalité du motif de licenciement afin de donner son autorisation de licencier.
Dans le prolongement du contrôle réalisé par l’inspecteur du travail, la jurisprudence décide que le Conseil de prud’hommes ne peut pas se prononcer sur le bien-fondé du licenciement du salarié protégé et sur les demandes indemnitaires présentées sur ce fondement[1].
Viole ce principe le juge judiciaire qui, en l’état d’une autorisation administrative de licencier non contestée, apprécie le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement. En effet, le juge judiciaire saisi d’une demande en ce sens peut seulement vérifier que le motif du licenciement prononcé est bien celui pour lequel l’autorisation a été demandée et accordée[2].
A titre d’illustration, la Chambre sociale énonce que le juge judiciaire ne peut se prononcer sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique lorsque celui-ci a été autorisé par l’autorité administrative dès lors que cette dernière a apprécié la réalité du motif économique, le respect des obligations légales et conventionnelles de reclassement interne et externe, y compris la saisine de la commission régionale de l’emploi, et qu’elle a estimé que la procédure était sans lien avec le mandat[3].
Une telle solution est parfaitement logique puisque l’inspecteur du travail ne peut donner une autorisation de licenciement pour un motif autre que celui énoncé dans la demande d’autorisation, l’employeur doit prononcer le licenciement sur la base du motif figurant dans l’autorisation de licenciement, elle-même délivrée par l’inspecteur du travail[4].
En définitive, contester la cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude revient, en réalité, à contester le contrôle opéré par l’inspecteur du travail de sorte qu’il appartenait à la salariée de contester la décision de l’autorité administrative.
L’arrêt du 10 septembre 2025 est en réalité une nouvelle illustration de cette solution dégagée par la jurisprudence. Dans cet arrêt, deux salariés protégés ont été licenciés pour motif économique dans le prolongement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, lequel a été validé par la DIRECCTE. L’inspecteur du travail avait ensuite autorisé le licenciement.
Les salariés ont finalement saisi la juridiction prud’homale en contestation de la rupture de leur contrat de travail.
La Cour de cassation réaffirme que « le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
La cour d’appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que l’autorité administrative avait, par décisions administratives devenues définitives, autorisé le licenciement pour motif économique des salariés, après avoir examiné la réalité du motif économique, le respect des obligations légales et conventionnelles de reclassement interne et externe, y compris la saisine de la commission nationale paritaire de l’emploi, et après avoir constaté que l’employeur avait respecté son obligation de reclassement et que le licenciement des salariés protégés était sans lien avec leur mandat.
Elle en a déduit à bon droit qu’elle ne pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et sur les demandes indemnitaires présentées par les salariés, y compris au titre d’une absence du caractère sérieux des recherches de reclassement externe. »
En définitive, le Conseil des prud’hommes ne peut être compétent pour se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement d’un salarié protégé dont la rupture du contrat de travail avait fait l’objet d’une autorisation par l’inspecteur du travail, et dont la décision est susceptible d’un recours hiérarchique ou contentieux.
Néanmoins, il n’est pas exclu pour le salarié lésé, à défaut de pouvoir contester la cause réelle et sérieuse du licenciement, de formuler une demande devant la juridiction prud’homale de dommages et intérêts en réparation du préjudice fondé sur la perte injustifiée de l’emploi.
Sources : Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 24-11.282
[1] Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 19-12.568
[2] Cass. soc., 28 oct. 2003, n° 01-46.168 ; Cass. soc., 10 avr. 2008, n° 06-44.975
[3] Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 23-14.526
[4] CE, 6 mai 1996, n° 153102