Source : Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-21.356, F-D
I – Les faits
Une société d’affacturage conclut avec un client un contrat d’affacturage et, par un acte séparé du même jour, une personne physique se rend caution solidaire de la société cliente, en garantie des obligations nées de ce contrat.
La société cliente est mise en liquidation judiciaire, l’affactureur (aussi appelé « factor ») assigne classiquement la caution en paiement. Cette dernière, est condamnée en paiement par le juge du fond.
II – Le pourvoi
La caution fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à l’affactureur, et de rejeter ses demandes reconventionnelles notamment au titre d’un manquement de la société d’affacturage à une obligation de mise en garde.
Selon elle, l’affacturage constitue une opération de crédit engendrant pour l’adhérent un endettement, le factor étant par conséquent tenu à l’égard de son client et de sa caution à un devoir de mise en garde portant sur les risques inhérents à cet endettement.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, en soulignant que le juge du fond, a relevé, par motifs propres et adoptés, qu’en l’espèce, les services offerts par la société d’affacturage, à la société cliente, portaient sur la gestion du recouvrement du poste « clients » de celle-ci, la garantie contre le risque d’insolvabilité et le « financement » des créances, le juge du fond a fait ressortir qu’il n’existait pas de risque d’endettement né de l’octroi d’un crédit, sur lequel la caution non avertie aurait dû être mise en garde.
L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit est bien spécifique. Ce devoir de mise en garde ne joue qu’à l’égard d’un emprunteur non averti et ne porte que sur l’inadaptation du crédit envisagé, aux capacités financières de l’emprunteur et donc sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l’opération financée[1].
Le devoir de mise en garde ne doit être mis en œuvre qu’en présence d’un risque d’endettement excessif[2] , et s’applique non seulement lors de l’octroi d’un prêt initial, mais également en cas de renégociation de celui-ci.
L’affacturage constitue une opération de crédit au sens de l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier, puisqu’elle met des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans l’intérêt de celle-ci un engagement par signature tel qu’une garantie. Plus précisément c’est une convention aux termes de laquelle la société d’affacturage (ou affactureur, ou « factor »), gère, contre rémunération, les comptes clients d’entreprises en acquérant leurs créances par subrogation, en assurant le recouvrement de ces dernières pour son propre compte et en supportant les pertes éventuelles relatives aux débiteurs insolvables.
A juste titre, on ne parvient pas à comprendre pourquoi une mise en garde serait utile au client et à sa caution, s’agissant d’obtenir d’un affactureur le paiement de ses créances transmises, contre paiement à ce dernier. L’affacturage ne crée pas, par définition, un risque inhérent d’endettement pour le client, et donc sa caution. Au contraire, il s’agit d’une garantie contre le risque d’insolvabilité éloignant d’autant plus le risque d’endettement.
En outre, l’affactureur ne maîtrise ni le refus de paiement des clients de son adhérent, ni le risque de leur insolvabilité. La solution doit être approuvée.
[1] Par ex. Cass. com., 20 avr. 2017, n° 15-16.316
[2] Par ex. Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, n° 17-23.169, F – P + B