La parodie d’une parodie peut être qualifiée de contrefaçon

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

La parodie d’une œuvre elle-même parodique ne permet pas d’écarter un acte de contrefaçon.

Source

https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2022/10/2018194.pdf

L’article L.122-5.4° du Code de la propriété intellectuelle précise que « lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre. »

En l’espèce, un artiste peintre, s’inscrivant dans un courant artistique inspiré par la pop culture, avait détourné le tableau de la Joconde de Léonard de Vinci en remplaçant Mona Lisa par une figurine Playmobil.

En 2018, cet artiste avait constaté que sa version de la « Joconde Playmobil » avait été reprise dans l’œuvre d’un autre artiste.

Estimant qu’il s’agissait d’une contrefaçon de ses droits d’auteurs, il avait alors assigné le second artiste.

Dans son jugement du 3 décembre 2020 (n°19/06289), le Tribunal judiciaire de Paris avait rejeté les demandes au motif que l’œuvre « Joconde Playmobil » était dénuée d’originalité, donc dépourvue de toute protection par le droit d’auteur.

En cause d’appel, il appartenait donc à la Cour d’appel de Paris de déterminer si l’œuvre litigieuse constituait une création originale.

Dans son arrêt du 30 septembre 2022, la Cour relève en premier lieu que l’artiste s’était livré à des choix arbitraires constituant donc les caractéristiques propres de son œuvre.

D’autre part, elle remarque que, si l’artiste peintre a repris des éléments existants, en l’occurrence le tableau de Léonard de Vinci et la figure Playmobil, il les a combinés dans une œuvre dont l’aspect global est particulier et traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

La juridiction en déduit que le tableau de la « Joconde Playmobil » est bien une œuvre originale.

Cette position n’est guère surprenante dès lors qu’il est couramment admis qu’en matière d’arts appliqués les éléments connus sont susceptibles d’être combinés de façon à conférer une originalité à l’ensemble.

Après avoir établi l’originalité de l’œuvre, la Cour d’appel doit, dans un second temps, se prononcer sur l’existence d’un acte de contrefaçon.

Inévitablement, la problématique posée renvoie aux exceptions légales appliquées au droit d’auteur, particulièrement ici l’exception de parodie, censées assurer l’équilibre entre liberté d’expression et droits exclusifs.

Ainsi, la Cour est amené à exercer un contrôle de proportionnalité pour vérifier si l’exercice des droits exclusif d’un auteur ne cause pas une atteinte disproportionnée au droit fondamental que constitue la liberté d’expression d’un autre créateur.

S’agissant donc de l’exception de parodie, la Cour relève d’abord que le nouveau tableau incorpore l’œuvre protégée sans la modifier, puis que le second artiste a voulu, dans sa création, parodier la Joconde originelle de Léonard de Vinci et non pas la Joconde détournée par l’insertion de la figurine Playmobil.

En effet, la parodie doit évoquer une œuvre clairement identifiable par le public : en l’espèce, ce critère n’est pas rempli puisque l’œuvre évoquée est la Joconde de Léonard de Vinci, mais pas la « Joconde Playmobil », qui est pourtant l’œuvre directement utilisée.

La Cour en déduit que l’utilisation, en l’espèce, de la « Joconde Playmobil » ne bénéficie pas de l’exception de parodie et qualifie donc des actes de contrefaçon, retenant une atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur de l’œuvre première ainsi qu’à son droit moral.

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