La dissolution judiciaire pour mésentente des associés…. aux torts partagés

Eléonore CATOIRE
Eléonore CATOIRE - Avocat

La Cour d’appel va plus loin dans la recherche de l’imputabilité de la mésentente, et considère qu’en cas de torts partagés sur les causes de la mésentente, le demandeur peut valablement solliciter la dissolution judiciaire.

Cour d’appel de BORDEAUX 10 Janvier 2023 – N°22.01177

I –

Si les associés peuvent, de manière amiable et à tout moment, décider en assemblée générale la dissolution anticipée de la société, la Loi prévoit également la possibilité de solliciter cette dernière par-devant le juge.

Pour la solliciter, l’article 1844-7 du Code civil, d’ordre public, prévoit en son alinéa 5, qu’il est nécessaire de justifier d’un juste motif, lequel peut notamment être :

  • Inexécution de ses obligations par un associé,
  • Mésentente entre associés, à la condition toutefois que cette mésentente paralyse le fonctionnement de la société (conditions cumulatives).
    Attention, la simple disparition de l’affectio societatis ne suffit pas à établir la paralysie de fonctionnement exigée par le texte[1]

Les justes motifs évoqués, quoi que peu définis, sont encore aujourd’hui interprétés au cas par cas par la jurisprudence. Précisément, la mésentente entre les associés, cause de dissolution anticipée tant pour les sociétés de personnes que pour les sociétés par actions, a fait l’objet d’une riche construction prétorienne depuis de nombreuses années.

Les juges interprètent avec prudence le terme de « mésentente » eu égard aux conséquences qu’elle peut avoir sur la vie de la société. Ils réclament une mésentente particulièrement grave, puisque si elle ne « paralyse » pas le fonctionnement de la société, ils écartent toute demande de dissolution.

Les intéressés doivent donc, pour obtenir la dissolution anticipée sur ce fondement, cumuler deux démonstrations :

1.  La mésentente grave entre les associés.

2.  Paralysant le fonctionnement de la société.

Les lecteurs de la newsletters Chronos auront d’ores et déjà connaissance de la fameuse décision du 16 septembre 2014, rendue par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, qui évoque l’importance de l’imputabilité de la mésentente :

«  La circonstance que l’associé qui exerce l’action en dissolution pour mésentente est à l’origine de la mésentente qu’il invoque est de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de la dissolution de la société »[2].

Le fait que cette mésentente soit imputable à l’associé demandeur à l’action n’a pas pour effet de la rendre irrecevable, mais fait toutefois obstacle à la reconnaissance par le juge, du juste motif exigé par l’article 1844-7 du Code Civil.

Cette jurisprudence, loin d’être isolée, a été encore confirmée par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 septembre 2021, commenté sur le site Chronos (  https://vivaldi-chronos.com/dissolution-de-societe-pour-cause-de-mesentente-entre-associes-la-demande-ne-peut-pas-etre-formee-par-lassocie-a-lorigine-de-la-mesentente/ ).

Le droit prétorien encadre la dissolution judiciaire pour mésentente en posant une limite : L’associé à l’origine de la mésentente entre associés ne peut pas être à l’origine d’une demande de dissolution judiciaire.

II –

Dans cette nouvelle affaire, les juges girondins vont plus loin encore, et considèrent que la dissolution pour mésentente peut être proposée dans la mesure ou celui qui la demande n’est pas le seul responsable de cette mésentente.

Au cas d’espèce, des divergences sont apparues entre les deux associés d’une SAS (51% et 49%).  Une demande de dissolution judiciaire est formulée par l’un des deux, le minoritaire, obtient gain de cause face aux premiers juges. L’autre, le majoritaire interjette appel, considérant que c’est en réalité l’associé minoritaire qui serait à l’origine de la mésentente.

La juridiction du second degré rejette l’argument, considérant que le juge ne peut exclure le juste motif que si le demandeur est seul responsable de la mésentente, ce qui ne semblait pas être le cas en l’espèce.

A partir du moment ou les torts sont partagés, la dissolution judiciaire peut être autorisée par le juge.

En effet, la Cour relève que le comportement du majoritaire avait contribué grandement à la mésentente invoquée au terme de la procédure, et décide de confirmer la dissolution judiciaire autorisée par le juge.

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[1] https://vivaldi-chronos.com/dissolution-pour-justes-motifs-la-seule-disparition-de-laffectio-societatis-ne-suffit-pas-a-etablir-la-paralysie-du-fonctionnement-de-la-societe/

[2] C.Cass, Com, 16 septembre 2014, N°13.20.083.

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