Intégration fiscale : l’exigence de détenir 95% au moins des droits à dividendes et des droits de vote est illégale

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

L’article 46 quater-O ZF de l’annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, méconnaît la portée de la disposition législative dont il a pour objet de préciser les modalités d’application et est ainsi entaché d’incompétence.

 

Source : Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, 26 Janvier 2021, n° 439582, Inédit au recueil Lebon

 

Les faits :

 

La société Biomnis, qui exerce l’activité de laboratoire d’analyse médicale et détient 99,99 % du capital social de la société Eurofins-CEF et de la société Eurofins-CMB69, a adressé le 7 mai 2013 au service des impôts dont elle relève un courrier portant option pour le régime d’intégration fiscale prévu par les articles 223 A et suivants du CGI.

 

Par une lettre du 12 juin 2013, le directeur départemental des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône a toutefois refusé de lui accorder le bénéfice de ce régime, au motif qu’elle ne satisfaisait pas à la condition, prévue par l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III au CGI, tenant à la détention d’au moins 95 % des droits de vote au sein de ses deux filiales.

 

Par un jugement du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir ce refus. La société Biomnis se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 14 janvier 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, statuant sur renvoi du Conseil d’État après l’annulation de son arrêt du 12 avril 2018, a annulé ce jugement et rejeté sa demande.

 

La décision du Conseil d’État :

 

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle les dispositions de l’article 223 A du CGI dans sa version applicable au litige :

 

« Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés ou d’établissements stables membres du groupe (…) »

 

et de l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III au CGI qui précise que :

 

« Pour l’application des dispositions de l’article 223 A du code général des impôts, la détention de 95% au moins du capital d’une société s’entend de la détention en pleine propriété de 95% au moins des droits à dividendes et de 95% au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société (…) ».

 

Le Conseil d’État juge qu’il résulte des dispositions de l’article 223 A du CGI :

 

« qui ne comportent aucune obscurité justifiant qu’il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires de la loi de laquelle elles sont issues, que la possibilité, pour une société, de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe qu’elle forme avec ses filiales est subordonnée à la seule condition que cette société détienne, dans les autres sociétés du groupe, une participation représentant au moins 95 % des parts sociales. »

 

Ainsi, l’article 46 quater-O ZF de l’annexe III au CGI, dans sa rédaction applicable au litige, en ce qu’il exige que la société tête de groupe détienne en outre, directement ou indirectement, en pleine propriété, 95% au moins des droits à dividendes et 95% au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la filiale « méconnaît la portée de la disposition législative dont il a pour objet de préciser les modalités d’application et est ainsi entaché d’incompétence ».

 

En conséquence, l’administration fiscale ne pouvait légalement refuser d’accorder à la société Biomnis le bénéfice de l’option qu’elle sollicitait pour le régime de l’intégration fiscale au seul motif que, si elle détenait 99,99 % des parts sociales de ses deux filiales, représentant le même pourcentage dans les droits financiers, cette participation n’ouvrait droit qu’à 49,90 % des droits de vote.

 

Cette solution donnée par le Conseil d’État présente un intérêt pour l’ensemble des dispositifs du CGI pour lesquels le législateur a fixé des seuils ou plafonds en référence au capital, aux droits de vote ou aux droits financiers.

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