Source : Conseil d’Etat 3/04/2020 n°426146
L’article 223 A du Code Général des Impôts permet à une société de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital.
Si l’un des membres du groupe fait l’objet d’un contrôle fiscal, l’administration mène néanmoins la procédure uniquement avec la société membre concernée et lui adresse, le cas échéant, la proposition de rectification ainsi que les conséquences fiscales en découlant sur son propre résultat. Elle doit en outre adresser à la société mère les conséquences des rectifications sur le résultat d’ensemble puisque c’est uniquement à ce niveau que les rehaussements auront un réel impact.
En d’autres termes, en cas d’intégration fiscale, l’administration fiscale doit établir deux documents récapitulant les conséquences fiscales des rehaussements : un au niveau de la société membre et un au niveau du groupe.
En l’espèce, la société membre du groupe ayant fait l’objet du contrôle fiscal était également la tête de groupe. Elle devait donc recevoir deux courriers distincts à l’issue de la procédure : un en qualité de société membre du groupe récapitulant les conséquences du contrôle sur son résultat et un en qualité de tête du groupe récapitulant les conséquences du contrôle sur le résultat d’ensemble. Or, dans la lettre d’information reçu par le contribuable, en tant que société mère, il était repris exactement les mêmes conséquences financières que celles produites dans le courrier d’information reçu en qualité de société membre. L’administration fiscale ne l’avait pas informée des conséquences sur le résultat d’ensemble.
La société a alors sollicité la décharge des suppléments d’impôts mis à sa charge estimant la procédure irrégulière dès lors qu’elle n’avait pas été informée en qualité de tête de groupe.
Si la juridiction de première instance a fait droit aux demandes du contribuable, la Cour Administrative d’Appel a annulé le jugement prononçant la décharge au motif que si l’administration fiscale avait effectivement commis une erreur dans l’information de la société tête de groupe, cette erreur n’avait pas empêché le contribuable de contester les conséquences fiscales du rehaussement et d’obtenir la rectification de l’erreur commise de sorte que le contribuable ne pouvait être considérer comme ayant été privé de la garantie d’être informé.
Le Conseil d’Etat saisi du litige annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel rappelant ainsi l’étendue et la portée de la garantie bénéficiant aux contribuable.
Il juge en effet que « le droit pour la société mère d’être informée, en vertu de l’article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, du montant global par impôt des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle est redevable en cette qualité constitue une garantie qui se distingue de celle dont bénéficie chaque société membre du groupe en vertu de l’article L. 48 du même livre, et s’ajoute ainsi à cette dernière dans l’hypothèse où la société mère fait l’objet d’un redressement en qualité de membre du groupe ».
Par ailleurs, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel sans rechercher si le contribuable avait ou non été en mesure de déterminer les conséquences du rehaussement sur le résultat d’ensemble du groupe malgré l’erreur de l’administration fiscale dans l’information donnée.
Ainsi, dès lors que l’information est erronée ou absente, la procédure est de fait viciée, ce qui entraine la décharge de l’intégralité des suppléments d’impôts concernés par la procédure.
En statuant ainsi, le Conseil d’Etat renforce sa jurisprudence puisqu’il a déjà eu l’occasion de juger que la garantie du contribuable n’avait pas été respectée si la société mère n’avait pas été informée des conséquences fiscales sur le résultat d’ensemble alors même que le rappel d’impôt dû est en définitive strictement identique, que l’on se place au niveau du résultat de la société intégrée ou au niveau du résultat d’ensemble[1].
En l’espèce, le rappel d’impôt avait pour effet d’annuler le déficit d’ensemble et conduisait à la constatation d’un résultat bénéficiaire. Dans ce cas, l’information à fournir par l’administration est d’autant plus importante.
[1] CE 21 octobre 2011 n° 325619