Le juge prud’homal saisi d’un recours contre l’avis du médecin du travail n’est pas lié par les conclusions du médecin inspecteur du travail dont il a sollicité l’expertise.
Sources : Cass. soc. 7-12-2022 n° 21-11.948 FS-D
A l’issue de l’arrêt maladie du salarié, l’employeur est, dans certains cas, dans l’obligation d’organiser une visite de reprise auprès de la médecine du travail afin de s’assurer que le salarié puisse reprendre son poste sans se mettre en danger. Cela relève de l’obligation de sécurité de l’employeur.
Ainsi, l’article R.4624-31 du Code du travail précise que l’employeur doit organiser la visite de reprise de son salarié dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail :
- Après un congé de maternité ;
- Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail ;
- Après une absence d’au moins soixante jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.
Il est possible de contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications[1] émis par le médecin du travail que l’on soit employeur ou salarié devant le Conseil de prud’hommes territorialement compétent via la procédure accélérée au fond prévue par l’article L.4624-7 du Code du travail.
A cet effet, le Conseil peut, s’il le juge nécessaire, demander au Conseil de prud’hommes de désigner un Médecin inspecteur du travail qui convoquera le salarié et l’examinera. Le rôle du Médecin inspecteur du travail est d’informer le Conseil sur les questions médicales.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 07 décembre 2022, a précisé que le Conseil de prud’hommes saisi d’un recours contre l’avis du médecin du travail n’est pas obligé de s’en tenir aux conclusions du médecin inspecteur du travail dont il a sollicité l’expertise.
Dans cette affaire, une salariée atteinte d’un handicap se traduisant par l’absence de main droite, occupait un poste en qualité de personnel de nettoyage.
Placée en arrêt de travail en raison de douleurs au bras gauche sursollicité en raison de son handicap, elle a finalement été déclarée inapte par le médecin du travail, celui-ci précisant que tout maintien de cette dernière dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
La salariée a saisi la le Conseil de prud’hommes d’une contestation de l’avis d’inaptitude émis et d’une demande d’expertise par un médecin inspecteur du travail.
Le juge prud’homal saisi du recours a ordonné cette mesure d’expertise et désigné un médecin inspecteur du travail, pour qu’il précise notamment si l’état de santé de la salariée s’était aggravé depuis son embauche, et si cette dernière pouvait réintégrer son emploi. Le médecin inspecteur du travail a examiné la salariée en présence d’un médecin mandaté par l’employeur[2].
Le médecin inspecteur du travail a conclu à l’aptitude de la salariée à la reprise d’un poste aménagé, tandis que le médecin mandaté par l’employeur a conclu à l’aggravation de son état de santé et donc à l’impossibilité pour la salariée de reprendre son poste de travail.
La cour d’appel saisie du litige a jugé que le risque de développer un handicap invalidant de nature à placer la salariée dans un état de dépendance si elle était maintenue dans son poste, même aménagé était important et a confirmé l’avis d’inaptitude physique pris par le médecin du travail. Elle n’a donc pas suivi les conclusions du médecin inspecteur du travail.
La Haute juridiction s’en remet à l’appréciation des juges du fond et rappelle que ceux-ci peuvent s’appuyer sur d’autres éléments que les résultats de l’expertise sollicitée, en ce, notamment, le rapport du médecin mandaté par l’employeur.
Il est donc recommandé aux parties d’être proactives dans cette procédure de contestation de l’avis d’inaptitude et de ne pas s’en remettre uniquement aux conclusions du Médecin inspecteur du travail. Il peut alors être pertinent pour un employeur de mandater un médecin qui assisterait à l’expertise et rendrait ses conclusions au Conseil.
[1] Article L.4624-7 du Code du travail
[2] C. trav. art. L 4624-7