Des marques et vous en cas de saisie !!!!!!

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : JEX LILLE, 23 juin 2014. RG N° 14/00116

 

Le Juge de l’Exécution a eu à connaître d’un litige aussi peu courant qu’atypique.

 

En l’espèce un créancier disposant d’un titre exécutoire et souhaitant obtenir le recouvrement de sa créance a fait pratiquer par acte du ministère d’un Huissier, une saisie des marques appartenant à la société débitrice.

 

Cet acte aurait pu être considéré comme un acte d’exécution parmi d’autres et pourtant aucun texte ne règlemente la saisie des marques.

 

C’est ainsi que le code de la propriété intellectuelle n’envisage en matière de saisie que la saisie des brevets, bien qu’il affirme la saisissabilité de la marque au visa de l’article R.714 du Code précité.

 

En effet, l’article R.714-4 du Code de la Propriété Intellectuelle envisage l’éventualité d’une saisie, en disposant d’une manière plus générale que les actes modifiant la propriété d’une marque ou la jouissance des droits qui lui sont attachés, tels que cession, concession d’un droit d’exploitation, constitution ou cession d’un droit de gage ou renonciation à ce dernier, saisie, validation et mainlevée de saisie, sont inscrits à la demande de l’une des parties à l’acte.

 

Ce faisant, le Code de la Propriété Intellectuelle reste totalement muet sur la procédure à suivre en matière de saisie.

 

Si une marque, bien meuble incorporel ayant une valeur économique, peut faire l’objet d’une saisie, aucune disposition particulière, ni le Code des Procédures Civiles d’Exécution, ni des textes spécifiques ne réglemente cette procédure.

 

C’est pourquoi la Cour de Cassation dans un avis du 8 février 1999 a précisé que seul le droit commun de la saisie des biens incorporels a vocation à s’appliquer.

 

Ce droit commun expressément visé par la Haute Cour, n’est rien d’autre que la procédure déterminée au titre III relatif à la saisie des droits incorporels et plus précisément les articles L.231-1 et R.232-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

En conséquence, en l’absence de texte spécifique à la saisie de marque, qui constitue un droit corporel saisissable, il convient donc de transposer pour les opérations de saisie la procédure définie aux articles R.231-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution relative à la saisie des droits incorporels.

 

En l’espèce, le créancier a fait délivrer à l’INPI[1] un procès-verbal de saisie des droits d’associés ou valeurs mobilière pour obtenir le recouvrement d’une créance à l’égard d’une société et ce en vertu d’un jugement assorti de l’exécution provisoire.

 

L’huissier de Justice instrumentaire a délivré à la société débitrice un acte de dénonciation du procès-verbal de saisie.

 

La société débitrice a saisi le juge de l’exécution en faisant valoir que le procès-verbal de saisie de droits d’associés ou valeurs mobilières n’est pas conforme aux dispositions du titre III, chapitre 2 du code des procédures d’exécution mobilières et plus précisément des articles R.231-1 et R.232-1 et suivant du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

En effet, l’art R.231-1 du Code précité énonce :

 

« Les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice ».

L’article R.232-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution dispose :

Le créancier procède à la saisie par la signification d’un acte qui contient à peine de nullité :

 

1° Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;


2° L’indication du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;


3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;


4° L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;


5° La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies ».

 

L’article R.232-2 du même Code édicte :

 

« Les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice. ».

 

Enfin, les articles R 232-3 et R 232-4 énoncent respectivement :

 

« Les valeurs mobilières au porteur sont saisies auprès de l’intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise. »

 

« Si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier » (article R.232-3).

 

« La saisie peut aussi être opérée auprès d’un intermédiaire habilité pour l’ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur » (article R.232-4)

 

Le Juge de l’Exécution se référant à l’ensemble des textes précités a considéré que la saisie des droits corporels se fait entre les mains d’un tiers auprès duquel le droit est inscrit.

 

Le juge de conclure que s’agissant en l’espèce, de marques et dans la mesure où la propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement auprès de l’INPI, c’est bien entre les mains de cette dernière que la saisie doit être faite avant d’être portée à la connaissance du débiteur.

 

La question qui se pose est de savoir pourquoi le juge de l’exécution, nonobstant à priori la régularité de la procédure a cependant annuler la saisie des marques.

 

Le juge a considéré, qu’en l’espèce, le procès-verbal remis à l’INPI était intitulé « procès-verbal de saisie des droits d’associés et de valeurs mobilières » mais qu’il ne comportait aucune mention indiquant que la saisie porte sur des marques.

 

En conséquence, si la procédure applicable aux droits d’associés et de valeurs mobilières peut être transposée à la saisie des marques, parce qu’ils sont des droits incorporels, il convenait néanmoins que le créancier désigne de manière précise le droit incorporel concerné par la saisie, ne serait-ce pour informer le tiers des biens susceptibles d’être concernés.

 

Or, quand bien même, et à défaut de texte spécifique, la procédure relative aux droits d’associés et valeurs mobilières, force est de constater que la marque n’est pas un droit d’associé ou une valeur mobilière.

 

Le Juge de l’Exécution de conclure que le procès-verbal de saisie n’a pas permis de rendre indisponible les marques de la société débitrice enregistrées à l’INPI, et d’ailleurs dans le cas d’espèce, il ne saurait être fait grief à l’INPI de ne pas avoir déclaré les marques au regard des mentions portées figurant au procès-verbal de saisie.

 

Au travers de ce jugement, il apparaît que l’INPI doit recevoir la qualification de tiers saisi, auprès duquel une saisie des marques peut être faite. Mais attention, à défaut de préciser dans le procès-verbal qu’il s’agit de saisie de marques, les créanciers se heurteront à la motivation retenue par le juge.

 

Cette décision, a été frappée d’appel !!!

 

Alors, à bientôt pour connaître la solution que retiendra la Cour d’Appel de DOUAI.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Institut National de la Propriété Intellectuelle

 

Partager cet article