De l’intérêt du choix du fondement juridique de l’action de l’acquéreur contre le vendeur dans le cadre d’une vente immobilière

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Lorsque l’acquéreur découvre que le bien dont il vient de faire l’acquisition présente une anomalie, sur quel fondement engager la responsabilité du vendeur ?

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 janvier 2023, 21-22.543, Publié au bulletin

I –

Une société a vendu à un couple de particuliers un corps de bâtiment à réhabiliter en maison d’habitation.

Les acquéreurs ont découvert que la charpente était infestée de parasites, en l’occurrence de vrillettes, et ont assigné leur vendeur en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l’obligation de délivrance.

II –

Lorsque des difficultés apparaissent après une vente immobilière, l’acquéreur peut rechercher la responsabilité de son vendeur sur deux fondements juridiques :

  • La délivrance conforme : la délivrance consiste pour le vendeur à mettre matériellement la chose vendue à la disposition de l’acheteur afin qu’il puisse en prendre livraison et en jouir à son gré.
  • La garantie des vices cachés : Un vice caché est un défaut d’une chose tel qu’il la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou qui diminue tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas achetée ou l’aurait achetée à moindre prix s’il en avait eu connaissance.

La distinction entre le défaut de non-conformité et le vice caché est généralement faite, non selon un critère « chronologique », mais selon un critère « individualiste » : le vice caché suppose que la chose livrée soit, d’une part, matériellement conforme à la commande mais, d’autre part, atteinte d’un défaut qui la rend impropre à sa destination normale, alors que la non-conformité implique que la chose livrée soit sans vice tout en étant matériellement différente de la commande eu égard à ses spécifications précises.

L’acquéreur doit donc choisir entre délivrance conforme et vices cachés. Ce choix est crucial puisque sa demande pourrait être rejetée si le juge considère sa demande mal fondée.

III –

En l’espèce, les acquéreurs sont déboutés de leur demande en appel, la Cour ayant constaté que l’infestation parasitaire avait détruit les pièces principales de charpente et du solivage entraînant un risque d’effondrement et ainsi retenu qu’elle ne pouvait constituer qu’un vice caché de la chose vendue.

Les acquéreurs forment un pourvoi en cassation.

Au soutien de leurs prétentions, les acquéreurs soutenaient que, dans la mesure où l’immeuble était destiné à l’habitation, il devait avoir un toit de sorte qu’il appartenait à la Cour de rechercher si le bâtiment vendu était susceptible d’être réhabilité pour être habité.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, approuvant la motivation de la Cour d’appel et considérant que l’infestation parasitaire ayant engendré un risque d’effondrement devait être analysée comme un vice caché.

IV –

Les juges ont ainsi considéré que le défaut était tel qu’il rendait le bien impropre à son usage normal.

Les juges ont par ailleurs noté que ce défaut était antérieur à la vente.

Dans ces conditions, la garantie des vices cachés était l’unique fondement possible pour obtenir réparation.

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass.3ème Civ, 15 mars 2000, n°97-19.959), le cumul des actions n’étant pas permis.

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