Crédit, assurance décès et obligation d’information : illustration inattendue

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. civ. 1ère, 25 mars 2020, n° 18-24.349

 

I – Les faits

 

Suivant offre du 30 mars 2007, une banque a consenti à u emprunteur ainsi qu’à son père et à sa mère, coemprunteurs solidaires, un crédit d’un montant de 400 000 euros remboursable en deux cent soixante-seize mensualités, avec un différé de remboursement de vingt-quatre mois.

 

Les parents sont décédés respectivement en 2008 et 2009. Le fils, qui avait adhéré, seul, le 23 mars 2007, au contrat d’assurance collective souscrit par la banque destiné à le garantir contre les risques de décès, a cessé de rembourser les échéances du prêt et assigné la banque en responsabilité pour manquement à son obligation d’information et de conseil et en réparation de ses préjudices.

 

Il obtiendra partiellement gain de cause, et la somme 93.672,00 € en dédommagement. Jugeant celle-ci insuffisante, un pourvoi en cassation a été entrepris par l’emprunteur.

 

II – Le pourvoi en cassation

 

L’emprunteur reprochait aux juges du fond d’avoir conditionné l’indemnisation des préjudices subis du fait de la revente des lots acquis grâce à l’emprunt qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de rembourser seul, à la « certitude » que la souscription d’une assurance décès par ses parents aurait permis d’éviter l’échec de l’opération immobilière, alors que la perte de chance implique seulement la privation d’une éventualité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi : les juges du fond ont constaté que la banque ne démontrait pas avoir satisfait à son obligation d’éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance décès de ses parents, ce défaut d’information ayant conduit celui-ci à accepter de s’engager alors que seul son risque de décès était couvert. Dès lors, il a été privé de la chance de voir ses parents souscrire une garantie décès qui aurait permis la prise en charge partielle des mensualités de remboursement. Cependant, rien ne démontre avec certitude ni qu’il aurait convaincu ses parents de souscrire l’assurance ni que ceux-ci n’auraient pas souhaité le faire. Dès lors, la disparition d’une éventualité favorable a été évaluée à juste titre à hauteur de 80 % du montant qui aurait dû être remboursé par les parents, au titre des dommages-intérêts dus par la banque à l’emprunteur.

 

En matière de responsabilité contractuelle seule la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable[1], même si elle est faible voire minime[2]. Plus largement, l’obligation d’information du banquier doit s’envisager dans toutes les dimensions de l’opération, en ce compris sur le terrain des garanties assurantielles, même lorsqu’elles ne concernent pas l’emprunteur créancier de l’information.

 

[1] Cass. civ. 1ère, 8 mars 2012, n° 11-14.234 P-B ; Cass. civ. 1ère 22 mars 2012 n° 11-10.935 F-PBI

 

[2] Cass. civ. 1ère, 16 janvier 2013 n° 12-14.439 F-PBI ; Cass. civ. 1ère, 12 octobre 2016, n° 15-23.230 F-PB

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