Le délai de prescription du « cautionnement hypothécaire » est trentenaire

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-12.908, P

 

Le « cautionnement hypothécaire » est une hybridation entre le cautionnement (sûreté personnelle) et l’hypothèque (sûreté réelle). Cette sûreté spéciale pose régulièrement des questions liées à sa nature et à son régime. L’arrêt commenté l’illustre au travers de la question de la prescription.

 

I – L’espèce

 

En 1988, une banque consent une ouverture de crédit à une société, qui est garantie par un cautionnement hypothécaire. Un ensemble de biens immobiliers appartenant aux deux garants est placé en garantie de la dette contractée par la société. Après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, les deux garants assignent la banque en invoquant l’extinction des hypothèques.

 

La demande des constituants est accueillie en appel, au motif que la banque n’avait entrepris aucune action à leur encontre avant le 19 juin 2013, terme fixé par les juges pour agir en application des dispositions transitoires de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription. De ce terme, il faut déduire que la cour d’appel a fait application de la prescription quinquennale en suivant le principe posé à l’article 26, II de la loi précitée.

 

II – Le pourvoi

 

La banque pose ainsi la question du délai de prescription applicable au « cautionnement hypothécaire » après la loi de 2008 : prescription quinquennale de l’article 2224 ou trentenaire sur le fondement de l’article 2227 du code civil ?

 

La Cour de cassation se prononce pour la seconde voie et casse en conséquence l’arrêt d’appel. Au soutien de sa motivation, elle affirme que les garants se sont rendus cautions « simplement hypothécaires » de l’emprunteur, de sorte que l’affectation de leurs biens en garantie de la dette d’autrui avait la nature d’une sûreté réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.

 

On sait effectivement la nature du cautionnement réel a été tranchée par une chambre mixte dans une décision de 2005[1], qui a non seulement postulé pour la qualification exclusive de sûreté réelle, mais également jugé que cette garantie n’est pas un cautionnement.

 

Autrement dit, que le garant « caution » décide d’affecter l’un de ses biens par un nantissement, un gage ou une hypothèque, la sûreté sera toujours considérée comme appartenant entièrement aux sûretés réelles. C’est une sûreté réelle pour autrui.

 

En conséquence le régime de prescription appliqué en l’espèce par la Cour de cassation est celui des actions réelles immobilières, dont la prescription est trentenaire sur le fondement de l’article 2227 du Code civil.

 

Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés de juin 2021 envisage de créer des dispositions spécifiques à la sûreté réelle pour autrui, en faisant bénéficier le garant pour autrui de certaines mesures protectrices de la caution[2].

 

[1] Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.210

 

[2] C. civ., art. 2325, mod. par Projet Ord., art. 6

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