SOURCE : Cass. 3e civ., 17 juin 2021, n°20-15.296, FS-B
I –
Dans les faits, classiques, une société est locataire de locaux à usage de commercial appartenant à une SCI. Le 23 mars 2011, la SCI délivre à son locataire un congé, à effet au 1er octobre 2011, avec refus de renouvellement et de paiement d’une indemnité d’éviction. Un jugement en date du 11 mars 2013 avait quant lui rejeté la demande de la SCI en validité du congé et avait ordonné une expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction. Le 13 avril 2016, la SCI exerce son droit de repentir et consent au renouvellement du bail pour une durée de neuf ans.
II –
La société locataire fait grief à l’arrêt de fixer l’indemnité d’occupation pour la période écoulée entre le 1er octobre 2011 et le 13 avril 2016 à la valeur locative, alors que : « que suivant l’article L. 145-28 du code de commerce, l’indemnité d’occupation due par l’occupant « est déterminée conformément aux dispositions de sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation », que la règle du plafonnement résulte de l’article L.145-34 du code de commerce, et qu’en refusant, dans ces conditions d’appliquer la règle du plafonnement, élément d’appréciation auquel renvoie l’article L.145-28 du code de commerce, pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation du preneur maintenu dans les lieux, la Cour d’appel viole les articles L.145-28 et L.145-34 du code de commerce.
III –
Pour la troisième chambre civile, la règle du plafonnement du loyer ne s’applique pas à l’indemnité d’occupation due par le preneur en application de l’article L.145-28 du code de commerce, laquelle doit être fixée en fonction de la valeur locative.
IV –
En droit des baux commerciaux, la règle du plafonnement du loyer a pour objet de protéger le locataire en lui permettant de pérenniser son activité qui pourrait être remise en cause par une augmentation brutale de son loyer.
Lorsque le bailleur délivre un congé à son locataire sans offre de renouvellement, il doit payer à ce dernier une indemnité d’éviction qui peut être très importante, voire plus importante que la valeur vénale du bien loué. Il ne peut dès lors échapper au paiement de cette indemnité d’éviction, sauf à justifier d’un motif grave et légitime à l’encontre de son locataire, ou encore en établissant que l’immeuble doit être totalement ou partiellement détruit comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative.
Si l’indemnité d’éviction est trop importante ou si les motifs invoqués par le bailleur sont insuffisants pour les juridictions, le bailleur peut décider d’exercer son droit de repentir (article L.145-58 du code de commerce) et consentir au renouvellement du bail, dont le loyer est fixer communément aux règles du plafonnement de loyer.
Toutefois, et selon les dispositions de l’article L.145-12 du code de commerce, alinéa 4 : « Lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
Il existe donc entre la fin du bail initial et le début du nouveau bail une période au cours de laquelle le locataire est resté dans les lieux sans pour autant être titulaire d’un bail.
Si l’on s’en réfère aux dispositions du premier alinéa de l’article L.145-28 du code de commerce : « Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. (…) ». Il en résulte que les clauses du bail demeurent entre les parties.
Dans ces conditions, le locataire n’est plus tenu au paiement du loyer remplacé par une indemnité d’occupation déterminée « conformément aux dispositions des sections 6 [du Loyer] et 7 [de la Résiliation], compte tenu de tous les éléments d’appréciation ». La section 6 visant « le loyer », on en déduit que l’indemnité d’occupation se substitue au loyer, tout en demeurant soumise aux règles relatives au loyer commercial. Il s’agit ici d’un loyer de substitution qui n’a pas pour effet d’indemniser le bailleur pour son préjudice, mais bien plutôt de payer le prix du bail.
Pour la troisième chambre civile, « la règle du plafonnement du loyer s’applique à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé, mais non à l’indemnité d’occupation due par le preneur maintenu dans les lieux à l’expiration du bail en application de l’article L. 145-28 du code de commerce ». Par la suite, c’est à bon droit que la Cour d’appel a retenu que « cette indemnité devait être fixée en fonction de la valeur locative ».
IV –
Pour fonder sa décision, la Cour de cassation rappelle qu’une telle solution avait déjà été dégagée dans un arrêt de principe du 14 novembre 1978 qui avait jugé qu’ «en l’absence de renouvellement, le plafonnement prévu par ces textes est inapplicable à la détermination de l’indemnité d’occupation due, jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction à laquelle il peut prétendre, par le locataire maintenu dans les lieux ».[1]
La Cour de cassation fait également référence à un arrêt rendu le 7 novembre 2002 qui a rejeté un moyen au motif que « la Cour d’appel a, à bon droit, retenu que l’indemnité d’occupation due entre la date d’expiration du bail et l’exercice du droit de repentir était soumise (…) à l’article L.145-28 du code de commerce, et que cette indemnité devait en conséquence être fixée à la valeur locative ».[2]
[1] Cass. 3e civ., 14 novembre 1978, n°77-12.032, FS-B