Poursuivre le renouvellement d’un bail en délivrant un congé avec offre de renouvellement et poursuivre dans le même temps sa résiliation sur le fondement de la clause résolutoire insérée au bail, assez étrange me diriez-vous. Sur un plan doctrinal, le débat suscite un contentieux nourri. Dernier arrêt en date, l’arrêt inédit du 9 novembre 2022.
SOURCE : Cass. civ 3ème, 9 novembre 2022, n°21-19740, Inédit
Poursuite du bail commercial sur le fondement d’un congé avec offre de renouvellement du bailleur ou poursuite de la résiliation du bail commercial sur le fondement de la clause de résiliation anticipée. Deux finalités aussi différentes qu’antinomiques. La jurisprudence admet cependant que le bailleur commercial qui entend se prévaloir du bénéfice de la clause résolutoire, laquelle ne peut être déclarée acquise qu’à son seul bénéfice, puisse y renoncer sous conditions.
Il est admis par le droit prétorien que la renonciation du bailleur à se prévaloir du bénéfice de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial ne se présume pas et implique des actes positifs manifestant de façon non-équivoque l’intention de renoncer de leur auteur[1].
A ce titre, la décision certes inédite de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 9 novembre 2022, mérite d’être soulignée.
A la base de ce litige opposant bailleur et locataire commercial, la signification le même jour d’une part d’un congé avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer, et d’autre part d’un commandement de faire visant la clause résolutoire.
Le locataire qui a dans un premier temps accepté le principe du renouvellement du bail tout en contestant le prix du loyer proposé par le bailleur dans son congé, a assigné son cocontractant en constatation du renouvellement du bail commercial.
Reconventionnellement, le bailleur a demandé que soit constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial.
La Cour d’appel déboute le bailleur de sa demande en acquisition de la clause résolutoire aux motifs propres que le bailleur qui avait le même jour délivré un congé avec offre de renouvellement et un commandement de faire visant la clause résolutoire, avait renoncé à faire valoir la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire. Pour la Cour, le procès-verbal de constat des locaux dressé en cours de bail n’est pas suffisant pour manifester la volonté du bailleur de poursuivre la résiliation dès lors qu’il n’a fait savoir à son locataire qu’il entendait se prévaloir de la résiliation, mais au contraire qu’il a laissé le bail se poursuivre en encaissant les loyers et ne présentant sa demande en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire. La Cour souligne enfin que le preneur a fait connaitre au bailleur son accord pour le renouvellement tout en formulant une proposition de loyer distincte, ce qui pour la Cour ne caractérisait nullement la renonciation sans équivoque du bailleur à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire.
Dans sa décision du 9 novembre 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi introduit par le bailleur au moyen d’une argumentation certes sommaire, en jugeant que la Cour d’appel avait retenu, que les griefs invoqués au commandement de payer n’étaient pas démontrés, justifiant par ses seuls motifs sa décision ayant fait l’objet du pourvoi.
Sur un plan doctrinal, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de rappeler le principe à l’origine de la motivation de son rejet dans l’affaire commentée, ce qui explique que la décision soit inédite.
En effet, par un arrêt du 5 juin 2022[2], la Cour de cassation fermait la porte au bailleur qui dans une même période temporelle mettait en place une procédure aux fins de faire constater la résiliation du bail, tout en proposant son renouvellement. Il ne s’agit ici que de sanctionner la contradiction des actions.
Ces décisions n’excluent pas la possibilité d’un tel cumul, mais va s’inscrire vraisemblablement dans une hypothèse où dans un premier temps, le bailleur en l’absence du grief propose le renouvellement de bail au preneur, puis se ravise en constatant postérieurement à sa première offre des manquements du preneur à ses obligations dont il pouvait ne pas connaissance au moment de l’offre de renouvellement ou nés postérieurement à celui-ci. Masi faute de parvenir à cette démonstration, le bailleur enlisé dans ses contradictions échouera nécessairement dans sa procédure.
[1] En ce sens, Cass. com, 18 novembre 1965 n°63-11712, FS – B ou encore Cass. civ 3ème, 19 mars 2008, n°07-11194, FS – B
[2] En ce sens, Cass. civ 3ème, 5 juin 2002, n°00-21577, FS – B