Bail commercial, clause d’indexation uniquement à la hausse : fin du contentieux d’opportunité

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE : Cass. civ 3ème, 12 janvier 2022, n°21-11169, FS – B

 

I –

 

A l’instar de nombreux baux conclus antérieurement à la jurisprudence telle que nous la connaissons depuis le 30 juin 2021, un contrat de bail commercial comportait une clause d’indexation annuelle du loyer stipulant que celle-ci ne s’appliquerait qu’en cas de variation à la hausse de l’indice de référence.

 

La société preneuse à bail commercial assigne son bailleur en annulation de la clause litigieuse, en restitution des sommes payées au titre de celle-ci et en remboursement de divers frais.

 

Le Bailleur sollicitait quant à lui, dans le cas où la clause litigieuse serait jugée comme devant être écartée, que la sanction ne porte que sur la partie de la clause prohibant la baisse de loyer.

 

La Haute juridiction poursuit son œuvre de construction doctrinale en réaffirmant les grands principes qu’elle avait dégagé dans son arrêt du 30 juin 2021, tout en affinant le mécanisme de la sanction.

 

II –

 

En premier lieu, la Cour réaffirme que le caractère non écrit est venu se substituer à la nullité à l’occasion de la réécriture de l’article L.145-15 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel. Même si la Cour explique que ce texte s’applique aux baux en cours, il faudra nécessairement faire application de l’article 2 du code civil : « La loi n’agit que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Cela pourrait, dans le pire des cas, limiter la sanction à la date de promulgation de la loi Pinel.

 

En second lieu, la Cour de cassation explique que la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, faisant ainsi référence aux dispositions de l’article L.145-39 du code de commerce aux termes desquelles :

 

« En outre, et par dérogation à l’article L145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

 

En troisième lieu, l’arrêt réaffirme que le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse comme à la baisse, de sorte que la clause excluant toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l’indexation doit être réputée non écrite.

 

En quatrième lieu, la Cour de cassation poursuit son œuvre de construction doctrinale en réaffirmant le caractère sécable d’une clause d’indexation uniquement à la hausse limitant ainsi la casse pour les bailleurs qui ne devront être condamnés qu’au remboursement de la part du loyer qui aurait dû baisser par le jeu de l’indexation à la baisse.

 

C’est ici l’apport principal de l’arrêt commenté en ce qu’il censure l’arrêt d’appel en ce qu’il avait réputé non écrite la clause d’indexation non écrite en son entier aux motifs que « l’intention du bailleur était d’en faire, sans distinction de ses différentes parties, une condition essentielle et déterminante de son consentement, toutes les stipulations de cette clause revêtant un caractère essentiel, conduisant à l’indivisibilité de celle-ci et empêchant d’opérer un choix entre elles pour n’en conserver que certaines ».

 

Pour la Haute juridiction, les motifs invoqués sont impropres à caractériser l’indivisibilité de la clause d’indexation ; résultat, la Cour censure l’arrêt d’appel pour défaut de base légal.

 

Il est vrai que cette motivation a de quoi surprendre, la Cour de cassation étant juge du droit et non juge du fait. Par l’arrêt objet du présent CHRONOS, la Cour de cassation décide d’opérer un contrôle sur les clauses d’indexation uniquement à la hausse en jugeant que : « seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite ».

 

Les lecteurs habitués de CHRONOS auront relevé que l’arrêt du 30 juin 2021 était resté muet sur le sort réservé aux bailleurs qui avaient stipulé que la clause d’indexation était indivisible ou constituait une condition essentielle sans laquelle ils n’auraient pas contracté. A lire l’arrêt  commenté, seule la variation à la hausse doit être sanctionnée, sans que la clause litigieuse ne soit écartée dans son intégralité, ce qui permettrait de préserver le principe de l’indexation du loyer, à la hausse comme à la baisse, à charge pour chacune des parties d’en assumer les fluctuations.

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