Bail commercial, cession du droit au bail irrégulière, inopposabilité au bailleur : le cédant doit au cessionnaire la garantie d’éviction !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Lorsque le cédant d’un droit au bail est tenu de garantir sur le fondement de l’article 1630 du Code civil le cessionnaire de l’éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l’inopposabilité de la cession, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux.

SOURCE :  Cass. civ 3ème, 4 juillet 2024, n°23-13822, FS – B  

Le contentieux soumis à la troisième chambre civile de la Cour de cassation peut être résumé en substance comme suit : un locataire sortant cède son droit au bail à un locataire entrant, en violation des clauses qui encadrent la cession du droit au bail. Le bailleur poursuit la résiliation judiciaire du bail aux torts du cédant en raison de l’irrégularité de la cession, qu’il obtient avec expulsion du locataire, outre le paiement des loyers et indemnités d’occupation jusqu’au départ effectif du locataire.

Après avoir quitté les locaux, le cessionnaire assigne le cédant sur le fondement de la garantie d’éviction et indemnisation de son préjudice.

Le cédant sollicite reconventionnellement, le remboursement auprès du cessionnaire des loyers et indemnités d’occupation au titre de l’occupation des lieux par le cessionnaire évincé.

La Cour d’appel dont l’arrêt est confirmé, avait retenu que la cédante était seule et entièrement responsable de l’éviction du cessionnaire, et qu’elle devait l’en garantir, au visa de l’article 1630 du Code civil, dont il est rappelé pour mémoire les dispositions :

« Lorsque la garantie a été promise, ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :

1° La restitution du prix ;

2° Celle des fruits, lorsqu’il est obligé de les rendre au propriétaire qui l’évince ;

3° Les frais faits sur la demande en garantie de l’acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;

4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat ».

Après avoir dans sa décision identifié l’irrégularité de la cession, la Haute juridiction la déclare imputable au cédant et le condamne au paiement des loyers et indemnités d’occupation postérieures à la résiliation du bail.

La cession étant inopposable au cédant, celui-ci reste tenu du paiement des loyers jusqu’à la résiliation du bail, et des indemnités d’occupation, pour la période où le cessionnaire a occupé les lieux sans faute. Appliqué au bail commercial, le cédant doit garantir le cessionnaire de l’éviction dont ce dernier souffre.

En matière de vente immobilière, la troisième chambre civile a jugé que le vendeur d’un terrain était tenu de garantir l’acquéreur évincé, dont la bonne foi était reconnue au jour de la vente, de l’indemnité d’occupation à compter de la date où celui-ci était débiteur à l’égard du véritable propriétaire[1] .


[1] Cass. civ 3ème, 8 octobre 1974, n°73-11036, FS – PB

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