Autorisation de découvert tacite : éléments d’appréciation

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 22 sept. 2015, n°14-17.023, Inédit

 

I –. Les faits

 

En 2008, une société civile immobilière (SCI) a fait clôturer le compte dont elle était titulaire dans une banque. Reprochant à cette dernière d’avoir procédé tardivement à l’encaissement d’un chèque et rompu brutalement l’autorisation tacite de découvert qu’elle lui avait consentie, la SCI l’a assignée en paiement de dommages-intérêts.

 

La Cour d’appel de Paris a rejeté sa demande d’indemnisation au titre de la rupture brutale de la convention de découvert. Elle a retenu que la SCI ne rapportait pas la preuve que son compte présentait un solde débiteur permanent de nature à démontrer l’existence d’une autorisation tacite de découvert en 2005 et pendant le courant de l’année 2006, de sorte qu’en l’absence de justification d’une telle autorisation, la banque était en droit de rejeter des chèques faute de provision suffisante sur le compte.

 

II –. L’arrêt de cassation

 

La SCI a formé un pourvoi et, par un arrêt du 22 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, au visa de l’article L.313-12 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause[1]. La Haute juridiction a estimé qu’en se déterminant par ces motifs, tirés de l’absence d’un solde débiteur permanent, impropres à exclure l’existence d’un crédit stable et durable, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

III –. La caractérisation d’une autorisation de découvert tacite : permanence et régularité du financement

 

Lorsqu’aucun document écrit ne vise le montant précis de l’autorisation en découvert, les juges du fond doivent apprécier les faits et l’historique du compte du client[2]. Ils doivent ainsi distinguer l’autorisation de découvert tacite, de la simple facilité de caisse. D’une durée de quelques jours, elle est destinée à permettre à une entreprise ou à un particulier de faire face à des décalages de très courte durée affectant sa trésorerie à certaines périodes. Ce sont « des soutiens pour aider les fins de mois ».

 

Les magistrats se basent sur un certain nombre d’indices, telles que la constitution de sûretés, la perception d’une commission d’engagement et la fréquence des découverts. La Cour de cassation a déjà défini l’autorisation de découvert tacite, par la caractérisation d’une « existence du découvert durable et régulier pour lequel la banque s’était tacitement engagée par sa pratique habituelle »[3]

 

Lorsque la banque laisse s’instaurer des soldes débiteurs de façon durable et fréquente, elle s’engage de manière implicite. Si le compte est demeuré débiteur pendant un temps plus ou moins long, sans que le banquier fasse d’objections, et si la position débitrice a marqué des fluctuations, on peut présumer qu’il y a eu une véritable ouverture de crédit. À l’inverse, si la banque accorde des avances de très courte durée et que la tolérance ne se renouvelle qu’après remboursement de l’avance précédente, il est difficile de considérer que le banquier s’est engagé à accorder un crédit. Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’il y avait tolérance exceptionnelle de la banque lorsque l’existence des découverts n’a duré que deux mois et que l’établissement bancaire y a mis fin en rejetant sept chèques le mois suivant.

 

La différence est importante, car si la banque a effectivement consenti une ouverture de crédit à son client, elle doit respecter certaines conditions pour pouvoir la rompre, et notamment un délai de prévenance.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Art. L.313-12 C.mon.fin. : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à une durée fixée, par catégorie de crédits et en fonction des usages bancaires, par un décret pris après avis de la Commission bancaire. L’établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

L’établissement de crédit n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit. »

[2] Cass. com., 27 sept. 2005, n°04-11.958, F-D

[3] Cass. com. 26 mars 2002, n°00-17.106, F-D

 

 

 

 

 

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