SOURCE : 1ère civ, 27 février 2013, n° 176 F – D (N° 10-27.519).
Dans cette espèce, quatre associés avaient constitué une société ayant pour objet l’acquisition et l’exploitation d’un fonds de commerce de café-restaurant à BOULOGNE BILLANCOURT.
La Société avait bénéficiait d’un emprunt bancaire et obtenu, en garantie de ce prêt, la caution solidaire de l’ensemble des associés.
Ceux-ci, par acte sous seing privé du 05 janvier 1994, cédèrent l’intégralité des parts qu’ils détenaient pour le prix de 1 franc, la convention de cession de parts s’accompagnant d’une convention du même jour aux termes de laquelle l’acquéreur s’engageait à respecter scrupuleusement les modalités de remboursement du prêt bancaire qui avait été consenti à la société et s’engageait irrévocablement à rembourser, à concurrence d’une certaine somme fixée, les cédants dans le cas où ces derniers viendraient à être actionnés par la banque en leur qualité de caution.
La société ayant été défaillante dans ses obligations financières à l’égard de la banque, celle-ci s’est retournée contre les cautions, de sorte que ces cautions se retournèrent ensuite contre l’acquéreur en exécution de son engagement à leur égard, obtenant par un Jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 19 décembre 1995, sa condamnation à leur payer la somme convenue.
Ayant mis en place 2 mesures d’exécution forcée, l’épouse commune en biens du débiteur est intervenue volontairement à l’instance pour exercer à l’encontre des cédants une action en distraction de parts sociales, invoquant au soutien de sa demande que celles-ci constituaient des acquêts de communauté et ne pouvaient servir de gages aux créanciers personnels de son mari.
Mais la Cour d’Appel de VERSAILLES ne suit pas l’épouse commune en biens dans son raisonnement. En effet, elle lui oppose que le fait, que son époux ait disposé seul d’une partie des parts sociales saisies, n’avait pas pour nature de renverser la présomption de communauté résultant des dispositions de l’article 1402 du Code Civil et que l’exception à ce principe de l’engagement des biens communs, posée par l’article 1415 du Code Civil selon lequel chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et revenus, ne trouve à s’appliquer qu’en matière de dette contractée par un seul des époux ayant son origine dans un engagement de cautionnement ou la souscription d’un emprunt, contracté hors de le consentement de l’autre conjoint.
La Cour relève donc qu’en l’espèce, la créance poursuivie était fondée sur la condamnation définitive du débiteur au titre de l’engagement irrévocable de ce dernier envers les cédants, de se substituer à eux pour payer l’emprunt qu’ils avaient souscrits auprès de l’établissement bancaire et de les rembourser à dû concurrence dans le cas où ces derniers viendraient à être actionnés par l’établissement bancaire en leur qualité de caution.
La Cour précise que cet engagement, qui en réalité constituait la contrepartie des parts cédées par les cédants dans la société pour 1franc, ne saurait s’analyser ni en un acte de cautionnement, ni en un emprunt, ni même en un acte de garantie à première demande puisqu’il était consenti au seul profit des cédants et n’était pas opposable à l’organisme de prêt, non partie à la convention.
La Cour considérait donc qu’il s’agissait d’une simple dette contractée par l’acquéreur seul, mais au cours du mariage, envers les acquéreurs qui sont bien fondés à recouvrer celle-ci sur les biens composant la communauté des époux, sauf à ce que celle-ci ait pu, le cas échéant, revendiquer que ces biens lui étaient propres.
Ensuite de cette décision de la Cour d’Appel, le débiteur et son épouse commune en biens se pourvoient en Cassation au moyen que la contre garantie donnée à une personne physique, pour le cas où le créancier d’un tiers agirait à son encontre sur le fondement d’un cautionnement, doit être assimilée à un cautionnement, dès lors qu’elle vise bien à faire supporter par le contre garant une somme due par un tiers et est susceptible d’appauvrir le patrimoine de la communauté, ce qui était le cas en l’espèce, selon le moyen, de sorte que la contre garantie ne pouvait s’exercer sur les biens de la communauté en l’absence de l’accord express de l’épouse commune en biens.
Mais la Cour de Cassation, dans l’Arrêt précité du 27 février 2012, rejette le pourvoi affirmant, dans le droit fil du raisonnement tenu par la Cour d’Appel, que l’engagement de l’acquéreur constituait la contrepartie des parts cédées par les vendeurs et ne saurait s’analyser ni en un acte de cautionnement, ni en un emprunt ni même en un acte de garantie à première demande puisqu’il était souscrit au seul profit des vendeurs et n’était pas opposable à l’organisme prêteur, non partie à la convention, de sorte qu’il s’agissait là d’une simple dette contractée par le débiteur seul au cours de son mariage.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats