SOURCE : Cour d’appel de Paris, Pôle 6, Chambre 5, 10 mars 2016, RG n°15/00318, Monsieur Sébastien Vedel / Société Vente-privée.com
Monsieur Sébastien Vedel avait été engagé le 1er octobre 2005 par la société Vente-privée.com pour une durée indéterminée en qualité de « sound designer ». Son contrat de travail prévoyait la possibilité de négocier la cession de ses droits d’auteur sur ses créations musicales au profit de l’employeur, en ces termes :
« CREATIONS DU SALARIE : les fonctions du salarié comportent principalement une mission de création d’œuvres musicales inhérentes auxdites fonctions. Les droits d’auteur et les droits voisins issus de ces créations musicales sont organisés et/ou cédés au bénéfice de la Société. La portée et les modalités de cette cession et/ou gestion sont précisées par conventions distinctes successivement conclues entre le Salarié et la Société ».
Par lettre du 25 janvier 2011, Monsieur Vedel a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour refus réitéré de signer un avenant à son contrat de travail portant sur la cession de ses droits patrimoniaux d’auteur.
Le Conseil des prud’hommes de Bobigny, saisi en première instance par Monsieur Vedel d’une demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avait décidé de débouter le demandeur.
La Cour d’appel de Paris a infirmé la décision des premiers juges, en se fondant sur deux moyens de droit distincts :
Conformément à l’article 1134 du Code civil, l’employeur ne peut imposer à son salarié une modification de son contrat de travail, de sorte que le refus du salarié de signer un avenant ne peut constituer, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
« Il résulte des articles L.111-1 et L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle que l’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle, dont la transmission est subordonnée à la condition que le domaine d’exploitation des droits cédés, soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée ».
Or, en l’espèce, l’employeur a attendu 5 ans avant de proposer à Monsieur Vedel la signature d’une convention telle qu’annoncée dans son contrat de travail, dont les trois versions accordaient à la société un droit d’utilisation et d’adaptation sur tout ou partie des œuvres et enregistrements, notamment par incorporation à des films de cinéma ou de télévision, des publicités commerciales, ainsi que le droit d’accorder à tous tiers un droit d’utilisation secondaire ou dérivé sur tout ou partie de ses œuvres et enregistrements, de telle sorte que l’étendue de la cession des droits dépassait de loin l’objet du contrat de travail.
Surtout, les différentes versions de l’avenant ne prévoyaient aucune contrepartie financière à la cession des droits, ce qui aurait eu pour conséquence de faire cesser le versement à Monsieur Vedel des redevances qu’il percevait depuis cinq ans de la SACEM.
La Cour a donc légitimement considéré que le refus de signature des avenants ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, en ce que cette signature aurait eu pour effet de diminuer sensiblement les droits du salarié.
Du point de vue du droit d’auteur, l’accord du salarié résultant des stipulations du contrat de travail ne remplissait pas les obligations formelles d’un contrat de cession de droit d’auteur au sens de l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats