Responsabilité professionnelle de l’architecte et assurance : l’exemple d’une erreur de calcul de surface

Amandine Roglin

L’assureur professionnel d’un maître d’œuvre ou d’un architecte est tenu d’indemniser le maître d’ouvrage pour les dommages financiers causés par une faute ou une erreur dans l’exécution de la mission confiée.

Trib. jud. Rouen, 25 sept. 2025, n° 25/01609

Un maître d’ouvrage confie à un architecte la conception et la réalisation d’un immeuble destiné à la vente. Le permis de construire, déposé par l’architecte, indique une surface de plancher de 290 m², conforme à la demande initiale du maître de l’ouvrage. Sur cette base, une vente est conclue pour un montant total de 1 044 000 € TTC.

À l’issue des travaux, il apparaît que la surface réelle de l’immeuble est inférieure à celle mentionnée dans les plans initiaux. Plusieurs plans topographiques révèlent des divergences, confirmant que l’architecte a commis une erreur dans l’estimation de la surface. Cette erreur entraîne une réduction du prix de vente à 938 416 € TTC, générant un préjudice financier de 105 584 € pour le maître de l’ouvrage.

Le tribunal judiciaire constate que le maître d’œuvre a manqué à ses obligations contractuelles en établissant des plans erronés et engage sa responsabilité professionnelle. Il reconnaît également que l’action directe exercée contre l’assureur de responsabilité civile professionnelle est fondée, et condamne ce dernier à indemniser le maître de l’ouvrage à hauteur du préjudice subi, soit 105 584 €.

  1. Responsabilité professionnelle étendue : La Cour de cassation rappelle régulièrement que la responsabilité des architectes et maîtres d’œuvre s’apprécie au regard de l’ensemble de leurs missions, incluant non seulement l’exécution matérielle mais également les obligations de conseil et d’assistance technique (Cass. 3e civ., 17 mars 2016, n° 14-28.123). Toute erreur dans les plans, même apparente ou technique, engage leur responsabilité professionnelle lorsque celle-ci cause un préjudice au maître d’ouvrage.
  2. Couverture par l’assurance professionnelle : La jurisprudence confirme que les architectes et maîtres d’œuvre sont généralement couverts par une assurance responsabilité civile professionnelle avant et après la réception de l’ouvrage, garantissant les conséquences financières de leurs fautes (Cass. 3e civ., 12 déc. 2018, n° 17-24.586). Cette couverture inclut les dommages liés aux erreurs de conception, de calcul de surfaces ou de non-conformité aux plans.
  3. Action directe contre l’assureur : Comme dans cette affaire, la Cour reconnaît la possibilité pour le maître d’ouvrage de se retourner directement contre l’assureur du professionnel lorsque le préjudice résulte d’une faute de ce dernier. L’assureur est alors tenu d’indemniser intégralement le dommage subi, dans la limite des dispositions contractuelles de la police d’assurance.
  4. Principe de réparation intégrale : Cette décision illustre le principe de réparation intégrale du préjudice financier, qui ne peut être atténué par l’existence d’erreurs d’estimation dans les plans ou de divergences mineures dans les documents techniques. L’architecte est tenu d’assurer la précision des informations fournies et la conformité de l’ouvrage aux engagements contractuels, et l’assureur professionnel doit garantir les conséquences pécuniaires de toute erreur de calcul ou de conception.

En synthèse, cette affaire confirme que la responsabilité professionnelle de l’architecte est large et continue après la réception, que l’assurance professionnelle constitue une protection essentielle pour le maître d’ouvrage, et que l’action directe contre l’assureur est pleinement recevable dès lors que le préjudice résulte d’une faute de l’assuré.

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