Les pouvoirs d’enquête du CSE n’empêchent pas une expertise pour risque grave

Pierre FENIE

La Chambre sociale de la Cour de cassation énonce dans un arrêt du 1er octobre 2025 que les pouvoirs d’enquête du CSE en matière de santé et de sécurité au travail ou la mise en œuvre d’une procédure d’alerte pour danger grave et imminent ne sauraient en soi faire obstacle au recours à l’expertise pour risque grave.

Pour mémoire, le CSE procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail[1]. Ces enquêtes ont pour finalité d’identifier les difficultés et de proposer des actions concrètes de prévention. A noter que lorsqu’un membre du CSE signale à l’employeur une situation de danger grave et imminent, une enquête a immédiatement lieu[2].

Par ailleurs, le CSE peut faire appel à un expert habilité notamment lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement[3]. Le recours à une telle expertise est réservé au CSE d’entreprise de plus de 50 salariés. Il peut être contesté en justice.

Dans l’espèce de l’arrêt, par délibération, le CSE a voté le recours à une expertise pour risque grave et désigné un cabinet de conseil en qualité d’expert. La délibération a fait état d’une souffrance au travail. La Direction a contesté et a obtenu de la juridiction de première instance l’annulation de la délibération du CSE.


Pour annuler la délibération du CSE du 26 septembre 2023, le jugement constate que cette délibération fait état d’une souffrance au travail et invoque notamment un effectif calculé au plus juste ne permettant pas de faire face aux pics de charge ni d‘absorber les absences ordinaires ou extraordinaires, une gestion du personnel en réaction et non en anticipation, une situation qui se traduit par des défauts de qualité et une atteinte de la santé physique et mentale des salariés, mais qu’elle sollicite de l’expert un ensemble d’analyses relevant du pouvoir d’enquête dont dispose le comité et non de l’expertise et qu’elle intervient dans un contexte social marqué par une procédure d’alerte pour danger grave et imminent, déclenchée en 2021 et toujours en cours.

La Haute juridiction précise que l’existence des pouvoirs d’enquête du CSE en matière de santé et de sécurité au travail ou la mise en œuvre, avant la délibération, d’une procédure d’alerte pour danger grave et imminent, ne sauraient en soi faire obstacle à l’exercice par le comité social et économique de ses prérogatives légales, le président du tribunal, à qui il appartenait de rechercher si les faits invoqués par le comité social et économique caractérisaient l’existence d’un risque grave, identifié et actuel au jour de la délibération ayant décidé du recours à une expertise pour risque grave, a violé le texte susvisé.

Cette solution s’inscrit en réalité dans le cadre d’une jurisprudence constante. A titre d’illustration, ce n’est pas parce que l’employeur décide de mener sa propre investigation, via un cabinet externe, que le CSE ne peut pas recourir à une expertise pour risque grave[4].

Sources : Cass. soc., 1er oct. 2025, n° 23-23.915


[1] C. trav., art. L. 2312-13

[2] C. trav., art. L. 4132-2

[3] C. trav., art. L. 2315-94

[4] Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-25.703

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