Cass. 3e civ., 20 mars 2025, n° 23-13.335, n° 160 F-D
Une vente soumise à condition suspensive : le contexte
En novembre 2010, une SCI a conclu avec un acquéreur une promesse synallagmatique de vente portant sur un bien immobilier, sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de démolir et de construire, purge de tout recours, avant une date limite. L’acquéreur devait déposer sa demande de permis au plus tard le 31 mars 2011. Il l’a fait in extremis, le 30 mars, mais le dossier a été jugé incomplet par l’administration. À la suite d’une modification du plan local d’urbanisme (PLU) en mai 2011, il a retiré sa demande en septembre. Le bien a finalement été vendu à un tiers à un prix inférieur, ce qui a conduit la SCI à agir en indemnisation.
La faute de l’acquéreur dans l’échec de la condition suspensive
La Cour de cassation confirme la décision d’appel qui retient la responsabilité de l’acquéreur. Elle considère que :
- la demande de permis déposée dans les délais était incomplète,
- le retrait de la demande, postérieur à la modification du PLU, n’était pas justifié par une impossibilité juridique ou administrative d’obtenir le permis,
- aucun élément ne prouvait que le nouveau PLU empêchait la régularisation du projet.
Ainsi, l’acquéreur a manqué à son obligation de diligence dans l’instruction du dossier de permis. Son comportement fautif justifie qu’il soit tenu responsable de l’inexécution de la condition suspensive, entraînant l’échec de la vente initiale.
Perte d’un avantage fiscal : demande rejetée
La SCI venderesse soutenait que la promesse de vente initiale lui aurait permis d’opter pour un paiement par dation en appartements, lui ouvrant un avantage fiscal. Toutefois, les juges du fond, suivis par la Cour de cassation, ont estimé que cet avantage était hypothétique, car dépendant d’un choix non réalisé. En conséquence, le préjudice fiscal allégué n’était pas suffisamment prouvé, et la demande d’indemnisation a été rejetée sur ce point.
Qualification du préjudice : erreur sur la perte de chance
La Cour de cassation a toutefois partiellement censuré la cour d’appel pour avoir qualifié unilatéralement le préjudice (lié à la revente à perte du bien) de perte de chance, sans respecter le principe du contradictoire. Cette qualification, ayant une incidence sur le montant des dommages-intérêts, devait faire l’objet d’un débat contradictoire entre les parties.
Conséquence : condamnation de l’acquéreur
L’acquéreur est ainsi condamné à verser des dommages-intérêts à la SCI en réparation de la diminution du prix de vente subie lors de la revente du bien à un tiers, du fait de l’échec de la promesse initiale. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour réexamen sur le quantum du préjudice dans le respect des droits de la défense.
En résumé :
- L’acquéreur est responsable de la défaillance de la condition suspensive pour négligence dans la constitution du dossier de permis.
- L’avantage fiscal invoqué par le vendeur est jugé trop incertain pour fonder une indemnisation.
- Le préjudice lié à la revente à perte est reconnu, mais doit être qualifié dans le respect du principe du contradictoire.