La cour d’appel de ROUEN a récemment jugé de l’impossibilité de reprocher à un médecin du travail de ne pas avoir anticipé la tentative de suicide d’un salarié, l’acte étant survenu 11 mois après son examen
Source : Cour d’appel de ROUEN, chambre sociale, 13 novembre 2024, n°23-02.493
Dans cette malheureuse affaire, un salarié était placé en arrêt maladie pendant plusieurs mois deux mois à raison d’une dépression.
Lors de la visite de reprise1, le médecin du travail le déclare apte à la reprise, sans prévoir de visite ultérieure.
Plusieurs mois plus tard, une altercation entre ce salarié et sa direction éclate ; s’en suivra le lendemain une tentative de suicide du salarié sur son lieu de travail, qualifiée après enquête d’accident du travail.
Le salarié saisit le Conseil de Prud’hommes aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
L’employeur ayant succombé en ses demandes, il a tenté de se retourner contre le médecin du travail et le service de prévention et de santé au travail en invoquant une carence dans leur analyse.
La Cour d’appel, dans sa décision, rappelle que le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif2.
Dans le cadre du secret professionnel, il est tenu de garder pour lui toutes les informations qui sont portées à sa connaissance ; cela vaut également pour les intuitions qu’il pourrait avoir concernant l’état de santé d’un salarié.
La Cour rappelle ensuite que, de jurisprudence constante, le médecin du travail ne peut engager sa responsabilité civile personnelle à l’égard des tiers que s’il excède les limites de la mission qui lui est impartie par son employeur, ou s’il commet une faute intentionnelle.
En l’espèce, selon les second juges, l’employeur ne démontrait pas en quoi le médecin du travail salarié aurait agi en dehors des limites de sa mission.
Le médecin n’avait pas non plus, au cas d’espèce, à enfreindre son secret professionnel.
Dans ces conditions, les demandes de l’employeur ont été rejetées.
Attention toutefois au délai entre la visite et l’incident potentiel ; si dans cette affaire le délai de 11 mois permettait incontestablement une distance suffisante entre le passage à l’acte et la visite, la position de la Cour aurait pu être différente si le délai avait été plus court.