SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 29 juin 2022, n°21-11.437 (FS-B Cassation).
Un salarié, engagé le 23 juillet 1990 en qualité de conseiller clientèle par une banque et occupant en dernier lieu le poste de directeur d’agence, a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave le 11 mars 2015 son employeur lui reprochant des faits de harcèlement sexuel ainsi que des faits de harcèlement moral tenant à un management agressif.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de contester son licenciement et, en cause d’appel, la Cour d’appel de RENNES dans un arrêt du 11 décembre 2020 va accueillir les demandes du salarié considérant le licenciement sans cause réelle et sérieuse à raison du caractère déloyal de l’enquête qu’elle considère menée à charge par l’employeur.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un Pourvoi en Cassation.
A l’appui de son Pourvoi, il prétend que l’enquête interne réalisée par l’employeur pour établir l’existence de faits de harcèlement sexuel ou moral n’est soumise à aucun formalisme et ne peut être écartée des débats comme déloyale au prétexte de prétendus disfonctionnements dans son déroulement. Il reproche à la Cour d’appel d’avoir estimé que cette enquête était déloyale dès lors qu’elle s’était déroulée sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux, que les deux salariés ayant dénoncés les faits avaient été entendues ensemble, que le compte-rendu n’était pas signé et que la durée de l’interrogatoire du salarié mis en cause n’était pas précisée, pas plus que les temps de repos.
L’employeur prétend également que les Juges du fond doivent examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties, soulignant que parallèlement à l’enquête interne menée auprès des salariés ayant dénoncés les faits, des entretiens avaient été réalisés avec les autres collaborateurs et qu’étaient ainsi versés aux débats des comptes-rendus de ces entretiens au cours desquels de nombreux salariés avaient faits état des propos déplacés et des méthodes de management agressives du salarié, et que pour autant la Cour d’appel s’était bornée à considérer que l’enquête interne était déloyale en l’absence d’audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés et d’information ou de saisine du CHSCT.
Et bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale de la Haute Cour, rappelant qu’en matière prud’homale la preuve est libre, et soulignant qu’en cas de licenciement d’un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport d’enquête interne à laquelle recourt l’employeur peut être produit par celui-ci pour justifier la faute imputée au salarié licencié, elle souligne qu’il appartient au Juge du fond dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’en apprécier la valeur probante au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.
Par suite encourt la censure, l’arrêt d’appel qui a écarté des débats le rapport d’enquête interne dont il constatait qu’il faisait état de faits de nature à caractériser un harcèlement sexuel ou moral de la part du salarié licencié, sans examiner les autres éléments de preuve produits par l’employeur qui se prévalait dans ses conclusions des comptes-rendus des entretiens avec les salariés entendus dans le cadre de l’enquête interne ainsi que d’attestations de salariés.
Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel.