Interruption de prescription et reconnaissance de dette

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ.1., 2 décembre 2020, n°19-15813, n749 P

 

Le prêt d’argent entre particuliers donne souvent lieu à l’établissement d’une reconnaissance de dette sous seing privé.

 

Si les parties croient assurer le remboursement, il est toutefois nécessaire de porter une attention toute particulière à la prescription !

 

L’espèce prend naissance dans un divorce et plus particulièrement dans les comptes qui doivent être établis entre les parties.

 

Mariés sous le régime de séparation, le litige nait relativement à un appartement acquis en indivision, mais financé par des emprunts et notamment par un prêt du père de l’ex-époux décédé au jour du litige.

 

L’ex-épouse reconnaitra l’existence de la dette dans un courrier qu’elle adressera au Notaire en charge d’élaborer le projet de liquidation du régime. S’agissant de son père, l’ex-époux sollicitera du Notaire qu’il inscrive sa dette au passif indivis.

 

L’ex-épouse s’opposera au titre de la prescription.

 

L’ex-époux n’aura pas gain de cause en appel, formera un pourvoi et critiquera ainsi l’arrêt « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que tout acte du débiteur révélateur, de sa part, d’un aveu du droit de celui contre lequel il prescrivait, même si cet acte n’a pas été accompli à l’égard du créancier lui-même, interrompt le délai de prescription ; qu’en énonçant, dès lors, pour retenir que le délai de prescription auquel étaient soumises les obligations de M. E… et de Mme C… résultant du prêt d’un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E… n’avait pas été interrompu par la reconnaissance de cette dette par Mme C… dans le dire qu’elle avait adressé le 20 avril 2012 à M. Y… A…, que la dette correspondait à une créance éventuelle de la succession du père de M. E… qui, seule, pourrait être amenée à se prévaloir d’une cause d’interruption, et que ce dire n’avait d’effet qu’entre les parties, quand la seule condition que devait satisfaire le dire adressé par Mme C… le 20 avril 2012 à M. Y… A… pour interrompre le délai de prescription était qu’il soit révélateur, de la part de Mme C…, d’un aveu des obligations de M. E… et de Mme C… résultant du prêt d’un montant de 58 000 euros que leur avait consenti le père de M. E…, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 2240 du code civil. »

 

Il emportera dans son raisonnement la Cour de cassation sur le fondement de l’article 2240 (« La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ») qui cassera l’arrêt en précisant dans son attendu :

 

« Vu l’article 2240 du Code civil :

 

Aux termes de ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

 

Pour rejeter la demande de M. E… tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux afin de payer les frais d’acquisition du bien indivis, l’arrêt retient qu’il ne peut être considéré que la prescription acquise a été interrompue par la reconnaissance de cette dette par Mme C… dans un dire adressé au notaire, le dire n’ayant d’effet qu’entre les parties.

 

En statuant ainsi, alors qu’interrompt la prescription la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s’il contient l’aveu non équivoque par le débiteur de l’absence de paiement, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

REJETTE le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. E… tendant à ce que soit inscrite au passif indivis la dette résultant du prêt consenti par son père aux époux d’un montant de 58 000 euros afin de payer les frais d’acquisition du bien indivis, l’arrêt rendu le 22 novembre 2017, entre les mêmes parties, par ladite cour d’appel ; »

 

Autrement dit, la reconnaissance du droit du créancier dans un document qui n’est pas destiné au créancier interrompt la prescription s’il contient l’aveu non équivoque par le débiteur de l’absence de paiement.

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