Sources : Cass.Com. 1er juillet 2020, n°18-24979, n°322 F-P + B
Une banque consent à une SCI deux prêts en date du 20 septembre 2009 qui le garantit par l’affectation hypothécaire d’un immeuble de la SCI.
La Banque déclarera sa créance à la liquidation judiciaire touchant la SCI le 4 juin 2010. Petite particularité, la Banque cèdera sa créance à un fond de titrisation le 22 décembre 2010.
La clôture de la procédure de liquidation judiciaire interviendra le 22 décembre 2012 pour insuffisance d’actif.
L’arrêt commenté prendra son importance dans les voies d’exécution qui seront menées par la Banque. En effet, plus de 5 ans après la clôture de la liquidation judiciaire, le créancier fera délivrer un commandement de saisie vente le 22 décembre 2017.
On rappellera à cet effet, le régime de la prescription de droit commun de 5 ans.
La SCI contestera le commandement et soulèvera la prescription devant le Juge de l’exécution.
La Cour d’appel annulera le commandement au motif de la prescription et ordonnera la radiation de l’inscription d’hypothèque.
Le créancier formera alors un pourvoi.
A l’appui de sa demande, le Fonds commun de titrisation précisera « que la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; que, par ailleurs, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance ; qu’il suit de là que l’interruption du délai de la prescription résultant de la déclaration d’une créance au passif du débiteur assujetti à une procédure de liquidation judiciaire, produit ses effets jusqu’à la publication du jugement de clôture pour insuffisance d’actif au BODACC, puisque, ce jugement étant signifié au seul débiteur, le créancier déclarant n’en est averti que par la publicité à laquelle il donne légalement lieu ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 503 du code de procédure civile, 2234 et 2242 du code civil, ensemble les articles L. 643-9 et R. 643-18 du code de commerce. »
Rejet du pourvoi par la Cour de cassation par un attendu qui mérite d’être repris :
« 5. La déclaration de créance au passif du débiteur principal en liquidation judiciaire interrompt la prescription à l’égard du garant hypothécaire, sans qu’il y ait lieu à notification de la déclaration à l’égard de ce dernier, et cet effet interruptif se prolonge jusqu’au jugement prononçant la clôture de la procédure.
6. Le créancier, qui n’était pas empêché d’agir contre le garant hypothécaire pendant le cours de la liquidation judiciaire, ne s’est vu privé d’aucun droit par le jugement de clôture pour insuffisance d’actif qui a seulement eu pour effet à son égard, et dès son prononcé, de mettre fin à l’interruption du délai de prescription et de faire courir un nouveau délai de prescription de cinq ans.
7. Après avoir constaté que le jugement prononçant la clôture pour insuffisance d’actif avait été rendu le 30 novembre 2012, l’arrêt retient exactement, peu important la date de sa publication au BODACC, que la prescription de cinq ans était acquise lorsque le créancier a délivré le commandement aux fins de saisie-vente le 22 décembre 2017.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ; »
La Cour précise donc que l’effet interruptif de prescription court de la déclaration au passif du débiteur principal en liquidation judiciaire jusqu’au jugement prononçant la clôture de la procédure (et non sa publication au BODACC). Un nouveau délai de 5 ans court donc à compter de cette date.
Si cette solution était déjà connue pour les cautions (Cass. com., 23 oct. 2019, n° 17-25.656), elle s’applique ici pour la première fois à une garantie hypothécaire.
Surtout, on rappellera que le créancier hypothécaire n’est pas empêché pensant la procédure de liquidation judiciaire de sorte qu’il aurait pu reprendre les poursuites.