Clause de non-concurrence : quand la contrepartie pécuniaire est exorbitante

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cassation Sociale, 4 novembre 2020 n°19-12.279

 

En l’espèce, un salarié entré en qualité de cadre commercial dans une structure qui changera de dirigeant peu de temps après est soumis à une clause de non concurrence particulièrement intéressante pour lui puisque très restreinte géographiquement, elle prévoyait le versement d’une contrepartie égale à 100% des 24 derniers mois de salaires moyens cumulés, payable en une seule fois.

 

Le salarié n’était pas seul à bénéficier d’une telle clause puisque quatre autres collaborateurs étaient concernés et ce alors que la situation financière de l’entreprise était très délicate.

 

L’ancien dirigeant avait été particulièrement généreux avant de céder ses titres ….

 

Le salarié élu délégué du personnel titulaire, puis délégué syndical aux fins de l’unité économique et sociale constituée de différentes sociétés a été licencié pour motif économique après que l’employeur ait obtenu l’autorisation de l’Inspection du Travail.

 

L’autorisation de licenciement a été annulée, l’Inspection du Travail n’étant pas compétente pour statuer sur la demande d’autorisation dans la mesure où le mandat de délégué syndical avait pris fin au terme de son mandat de délégué du personnel et que la protection s’y rattachant avait expiré à l’issue du délai de 6 mois suivant la cessation de ses mandats.

 

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale et demande la condamnation de l’employeur à diverses sommes notamment celle correspondant à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis.

 

La Cour d’Appel n’accède pas à ses demandes ; elle juge notamment que la clause de non-concurrence est illicite puisqu’elle ne pouvait avoir pour objet d’assurer une réelle protection de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial et alors même que l’ancien dirigeant de l’entreprise avait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l’entreprise qui ne pouvait les assumer.

 

Le salarié se pourvoit en cassation : il souligne notamment qu’il n’est pas établi qu’il partageait ou connaissait le but illicite poursuivi par l’ancien dirigeant octroyant de telles sommes aux autres salariés de l’entreprise.

 

Il avance également que la pénalité forfaitaire pour chaque infraction constatée à l’obligation de non-concurrence n’était pas dérisoire contrairement à ce qu’a retenu la Cour d’Appel qui a constaté que la pénalité représentait trois mois de salaire et était susceptible de s’appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée.

 

L’engagement de l’employeur à verser 100% de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé dans la même période en échange d’un engagement de non-concurrence sur deux départements était en conséquence parfaitement valable et ne pouvait être déclaré nulle comme « dépourvue de cause licite ».

 

Il avance également que seul le salarié peut se prévaloir de l’irrégularité de la clause de non-concurrence

 

La Cour de Cassation approuve la décision de la Cour d’Appel : celle-ci pouvait, après avoir constaté que l’indemnisation était particulièrement importante et non justifiée par :

 

  L’étendue géographique de l’obligation de non-concurrence

 

  Sa courte durée courte

 

  La nature des fonctions exercées par le salarié

 

Et ce alors que la société rencontrait d’importantes difficultés financières et que la sanction prévue au titre du non – respect de la clause était dérisoire,

 

Juger que la clause était exorbitante et illicite.

 

La Cour de Cassation a précisé par plusieurs arrêts en date du 10 juillet 2002 qu’une clause de non-concurrence n’était licite que si elle comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière qui ne doit pas représenter un montant dérisoire.

 

L’employeur peut-il de son côté si cette indemnité représente un montant anormalement élevé, contester la validité de la clause ?

 

La situation est peu vraisemblable si le dirigeant qui a proposé et signé le contrat de travail est toujours en place

 

Ce sont ici des circonstances exceptionnelles qui ont motivé la position de la Cour d’Appel et de la Haute Cour

Partager cet article