SOURCES :
LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, JORF n°0072 du 24 mars 2020
Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, JORF n°0074 du 26 mars 2020, articles 1, 2 et 4
Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 a organisé le fonctionnement du fonds de solidarité aux entreprises institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020.
Décret n° 2020-394, 2 avr. 2020
Décret n° 2020-433, 16 avr. 2020
Et désormais décret n°2020-757 du 20 juin 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation
Nouveau cataclysme économique, pourtant passé plutôt inaperçu en raison du silence de la notice explicative du décret sur ce point, ce qui peut paraître un peu surprenant s’agissant d’un texte publié quelques jours avant les élections municipales. Et pourtant, depuis le 22 juin date d’entrée en vigueur du décret du 20 juin, les manquements pécuniaires de la quasi-totalité des preneurs à bail, (et non plus seulement les micro-entreprises) ne sont plus sanctionnés, en tout cas jusqu’au 10 septembre 2020…
Pour les amateurs de jeu de piste, rappelons qu’à l’origine, l’article 11 I 1° g) de l’habilitation législative du 23 mars 2020 autorisait le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008.
L’habilitation s’était rapidement traduite par deux ordonnances du 25 mars 2020 (2020-316 et 2020-317) instituant un dispositif d’impunité du non-paiement des loyers et charges des bénéficiaires du fonds de solidarité, identifiés à l’aune de décrets des 30 et 31 mars 2020 comme une partie des micro-entreprise répondant à certains critères d’éligibilité, notamment un effectif inférieur à 10 salariés, réalisant un chiffre d’affaires de moins d’un million d’euros et un bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant de moins de 60 000 euros, impacté par une fermeture administrative ou une baisse de chiffre d’affaires de 70%, ramené à 50 % par décret du 2 avril 2020.
Selon l’ordonnance 2020-316, ces entreprises :
« ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée » c’est-à-dire initialement, jusqu’au 24 juillet.
Puis le décret du 16 avril décorrélait le dispositif « loyer » du bénéfice de subventions : l’entreprise éligible au dispositif ne percevait plus nécessairement de sommes dans le cadre du fonds de solidarité. Les conditions relatives au bénéfice imposable étaient retirées des critères d’éligibilité au fonds de solidarité, ne conditionnant plus que l’octroi d’aides d’Etat. De même que l’appartenance du bénéficiaire à un groupe de sociétés.
Et la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeait l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet, et corrélativement, la période d’impunité des micro entreprises pour non paiement des loyers au 10 septembre 2020.
Les sociétés non éligibles au fonds de solidarité pouvaient quant à elles certes bénéficier d’un dispositif issu de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020, mais bien moins protecteur (cautions, dommages et intérêts)…et pour une période beaucoup plus courte (23 juin 2020) :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er [NDLR : 23 juin 2020 inclus.].
Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.
Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er [NDLR : 23 juin 2020 inclus.]. »
Mais ça, c’était avant le décret du 20 juin 2020…
Rappelons à cet égard en effet que l’article 1 du Décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 rend éligible au dispositif « loyer » :
« les personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l’article 1er et aux 1° et 2° de l’article 2 du décret n° 2020-371 susvisé. »
Lequel dispose, depuis le décret modificatif du 20 juin 2020 :
« ARTICLE 1 : I. – Le fonds mentionné par l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises , remplissant les conditions suivantes :
1° (Abrogé) ;
2° Elles ne se trouvaient pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 ;
3° (Abrogé) ;
4° (Abrogé) ;
5° Lorsqu’elles sont constituées sous forme d’association, elles sont assujetties aux impôts commerciaux ou emploient au moins un salarié
6° (Abrogé) ;
7° Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
8° (Abrogé) ; (…)
ARTICLE 2 : Les aides financières prévues à l’article 3 prennent la forme de subventions attribuées par décision du ministre de l’action et des comptes publics aux entreprises mentionnées à l’article 1er du présent décret qui remplissent les conditions suivantes :
1° Elles ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020,
– par rapport à la même période de l’année précédente ;
– ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 ;
– ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d’un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d’un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.
(…)»
En synthèse pour le lecteur qui aurait perdu le fil d’ariane de ce labyrinthe règlementaire, toutes les entreprises dont la participation au capital ne seraient pas détenues par une société commerciale (ce qui exclu de fait les holding civiles), bénéficient du dispositif initialement destiné aux microentreprises, dès lors qu’elles ont subi en mars, une baisse de chiffre d’affaire de 50% ou une fermeture administrative … Et ce, peu importe leur réouverture au 11 mai ou 2 juin et leurs résultats depuis lors. Elles peuvent, sans craindre de véritables mesures coercitives autres que des saisies, les loyers et charges restants dus à lire la circulaire du Garde des Sceaux du 26 mars 2020[1], ni pénalités, et sous réserve de l’accueil que réserveront les juridictions vis-à-vis de ce comportement pouvant être sanctionné via les frais irrépétibles d’une procédure introduite à l’initiative du bailleur, reporter le paiement des loyers et charges de la période 12 mars – 10 septembre … au 10 septembre 2020.
L’habilitation gouvernementale semble ainsi un peu dépassée, avec un projet de loi de ratification déposé à l’Assemblée nationale le 13 mai 2020 c’est-à-dire dans les deux mois impartis par la loi d’habilitation[2], qui reste pour le moment à l’état de projet.
Soutien aux entreprises … ou procédures collectives en cascade programmé, l’avenir nous dira si ce dispositif et ses évolutions auront eu les effets bénéfiques escomptés.
[1] Circulaire Garde des Sceaux n°CIV/01/20 du 26 mars 2020 à l’attention des Présidents et Procureurs des juridictions – JUSC 2008608 C
[2] Projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 en matière économique et financière, n° 2959