SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 18 mars 2020, numéro 16-27.825 (FS-P+B)
Une salariée engagée le 22 novembre 1999 par une société en qualité d’assistante commerciale à temps complet et occupant en dernier lieu le poste de responsable du service département clients avait réduit son temps de travail dans le cadre d’un congé parental d’éducation devant se terminer le 29 janvier 2011.
La salariée a été licenciée pour motif économique le 6 décembre 2010 dans le cadre d’un licenciement collectif et a accepté un congé de reclassement de 9 mois.
Elle a renoncé à compter du 1er janvier 2011 à la réduction de sa durée du travail et a quitté définitivement l’entreprise le 7 septembre 2011.
Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes notamment de rappel de compléments d’indemnités de licenciement et de reclassement, reprochant à son employeur d’avoir calculé ses indemnités sur la base de son temps partiel et non pas de son temps complet.
Elle va être déboutée de ses demandes par un arrêt de la Cour d’Appel de TOULOUSE rendu le 14 octobre 2016, qui rend sa décision en se basant sur les dispositions de l’article L.3123-13 du Code du Travail, lequel prévoit que l’indemnité de licenciement du salarié, ayant été occupé à temps complet et à temps partiel, est calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces modalités depuis son entrée dans l’entreprise.
En outre, la Cour d’Appel va également souligner qu’il n’existe pas de texte ou de jurisprudence autorisant le calcul de l’allocation de congé de reclassement due à la salariée sur la base de la rémunération afférente à un temps complet,
Par suite, la salariée forme un pourvoi en cassation.
Sur cette question, la Cour de Cassation va saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle.
Par un arrêt du 8 mai 2019, (CJUE, PRAXAIR MRCP, C-486/18), la Cour de Justice de l’Union Européenne va tout d’abord relever que des prestations telles que l’indemnité de licenciement et l’allocation de congé de reclassement devaient être qualifiées de rémunération au sens de l’article 157 du TFUE.
Elle souligne ensuite que cet article devait être interprété en ce sens, qu’il s’oppose à une règlementation qui prévoit que lorsqu’un travailleur engagé à durée indéterminée à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d’un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit lorsque le licenciement intervient, dans la situation où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes choisissent de bénéficier d’un congé parental à temps partiel et lorsque la différence de traitement qui en résulte ne doit pas s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toutes discriminations fondées sur le sexe.
La CJUE considère par suite que les dispositions des articles L.3123-13 et R.1233-32 du Code de Travail français établissent une différence de traitement avec les salariés se trouvant en activité à temps complet au moment où ils sont licenciés et déclare que ces textes sont contraires à l’article 157 du TFUE en ce qu’ils instaurent une discrimination indirecte fondée sur le sexe. Par suite, la CJUE considère que l’application de ces textes doit en conséquence être écartée.
Prenant en compte la décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Chambre Sociale de la Haute Cour, dans l’arrêt précité du 18 mars 2020, décide en conséquence qu’à défaut d’avoir calculé le montant de l’indemnité de licenciement et de l’allocation de congé de reclassement de la salariée entièrement sur la base de sa rémunération à temps complet, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article 157 du TFUE qui instaurent un principe d’égalité des rémunérations entre travailleur masculin et féminin et la prohibition des discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe.
Par suite elle casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de TOULOUSE, mais seulement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement et d’allocation de congé de reclassement.