Contrôle de l’activité des salariés

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cass. Soc. 11 décembre 2019 n°18-11.792

 

Contrôler le travail d’un salarié relève du pouvoir de direction de l’employeur ; celui-ci ne peut toutefois employer des outils ou techniques de contrôle qui ne sont pas justifiés par la nature de la tâche à accomplir et proportionnés au but recherché.

 

Les moyens de contrôle des salariés doivent préalablement faire l’objet d’une consultation du CSE et avoir été portés à la connaissance des salariés.

 

La problématique soumise ici à la Cour de Cassation est récurrente:

 

Un formateur employé par une banque est licencié pour faute grave, pour avoir consulté des comptes de clients ne relevant pas de son portefeuille ; la faute du salarié a été décelée et prouvée grâce à un outil informatique de contrôle des opérations effectuées.

 

Ce dispositif est destiné à assurer la sécurité des données bancaires et la maîtrise des risques ; doté d’un système de traçabilité, il permet de restituer les consultations effectuées par les salariés.

 

Le salarié conteste son licenciement et fonde son argumentation notamment sur l’absence de licéité de la preuve fournie par l’employeur, qui a utilisé les relevés de l’outil permettant de restituer ses consultations.

 

Il oppose à ce titre que le Comité d’Entreprise n’avait pas, comme le prévoyait l’article L 2323-32 du Code du Travail, alors applicable, été consulté.

 

La Cour d’Appel, considère que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que l’outil litigieux permettait de restituer l’ensemble des consultations effectuées par un employé, qu’il a été utilisé par l’employeur pour vérifier l’activité du salarié et que dans ces circonstances le Comité d’Entreprise aurait dû être consulté avant l’utilisation du dispositif.

 

L’employeur forme un pourvoi et soutient dans son premier moyen que l’établissement de crédit était libre, sans en avoir informé préalablement le Comité d’Entreprise, d’utiliser un système informatique destiné à assurer la sécurité des données bancaires et une maîtrise des risques serait-il doté d’un système de traçabilité.

 

La Cour de Cassation ne suit pas l’employeur sur ce moyen : dès lors que le dispositif est utilisé pour vérifier les consultations du salarié, l’employeur aurait dû consulter le Comité d’Entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin.

 

Cette solution est bien évidemment transposable au Comité Social et Économique.

 

La Cour de Cassation a précisé à plusieurs reprises par le passé qu’en l’absence de consultation du Comité d’Entreprise, le dispositif utilisé pour contrôler les salariés constituait un mode de preuve illicite[1] .

 

La preuve apportée grâce aux moyens ou techniques utilisés (en l’occurrence un système de vidéo surveillance) exclusivement pour assurer la sécurité et non contrôler, est en revanche admise[2].

 

Si l’employeur est en droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel, pour autant le dispositif de contrôle doit être également porté préalablement à la connaissance du salarié[3].

 

Cet arrêt est à rapprocher d’un même arrêt rendu le même jour[4].

 

Dans cette affaire, un agent de surveillance avait été licencié pour vol, la preuve de sa faute étant rapportée par le biais d’un enregistrement vidéo : l’employeur soutenait que les enregistrements effectués à l’aide des caméras installées dans une entreprise cliente constituaient un moyen de preuve licite.

 

La Cour d’Appel considère que le mode de preuve n’est pas opposable au salarié.

 

Elle est censurée par la Cour de Cassation qui relève qu’il n’est pas établi que le dispositif de surveillance ait été utilisé avec pour finalité de contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions.

 

[1] Cass. Soc. 7 juin 2006 n°04-43.866

 

[2] Cass Soc 26 juin 2013 n° 12-16564

 

[3] Cass. Soc. 22 mai 1995 n°93-44.078

 

[4] Cass. Soc. 11 décembre 2019 n°17-24.179

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