Source : Cass. civ. 1ère, 22 mai 2019, n° 18-13.246, FS-D
I – L’espèce
Un particulier souscrit un premier prêt immobilier auprès d’une banque, puis un second auprès d’une autre banque, et consent à cette dernière une inscription hypothécaire sur l’immeuble acquis grâce au premier prêt. La première banque résilie le contrat de prêt en application d’une clause l’autorisant à exiger le remboursement immédiat du capital restant dû en cas de constitution par l’emprunteur de droits réels visant le bien financé.
L’emprunteur poursuit la banque en paiement de dommages-intérêts, lui reprochant une résiliation abusive du crédit immobilier faute de mise en demeure préalable. La banque réplique que le caractère irrémédiable de l’inexécution par l’emprunteur d’une obligation de ne pas faire la dispensait d’une telle mise en demeure.
II – La cassation
La Cour de cassation donne raison à l’emprunteur : si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non-commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, quelle que soit la nature de la défaillance en cause.
La banque devait donc, avant la résiliation du prêt, adresser une mise en demeure préalable à l’emprunteur dès lors que le contrat de prêt ne précisait pas explicitement et de manière non équivoque qu’une déchéance du terme était possible sans une telle mise en demeure. Son absence avait privé l’emprunteur de la possibilité de régulariser sa situation et lui avait causé un préjudice moral.
III – En pratique
La déchéance du terme prévue par le contrat de prêt en cas de défaillance de l’emprunteur non-commerçant ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle[1].
L’arrêt ci-commenté précise que la nécessité d’une mise en demeure préalable est générale, et s’applique même en cas d’inexécution d’une obligation de ne pas faire. La banque invoquait en l’espèce l’ancien article 1145 du Code civil, aux termes duquel le débiteur d’une obligation de ne pas faire qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention. Une décision ancienne de 1969 en avait déduit qu’une mise en demeure préalable n’était pas requise.
C’est désormais fini.
Comment cependant régulariser une situation résultant de la violation d’une obligation de ne pas faire ? La mise en demeure sera souvent inefficace. Faut-il annuler le second prêt ? Et radier l’inscription hypothécaire ? A quels frais ? Quelles conséquences pour l’emprunteur ? Vastes questions….
[1] Cass. 1e civ. 22-6-2017 no 16-18.418 F-PB