Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : mode d’emploi.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCES : 

 

Loi n°2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, publiée au Journal officiel du 26 décembre.

 

Projet d’instruction interministérielle daté du 4 janvier 2019

 

Annoncée par le Président de la République lors de son allocation du 11 décembre 2018, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat rapidement transcris dans la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales.

 

Bien que la mesure requière à nouveau un effort de la part des entreprises, cette dernière connait un succès certain.

 

En effet, il est offert la possibilité pour l’employeur de réserver un régime de faveur constitué par une complète exonération sociale et fiscale à une prime exceptionnelle et éphémère versée jusqu’au 31 mars 2019, en fonction de critères fixés au regard de l’exercice 2018.

 

Néanmoins la loi n’était pas claire, de sorte qu’un projet d’instruction ministérielle[1] a été communiqué le 4 janvier 2019 afin de répondre aux nombreuses questions restées en suspens.

 

L’attribution de la prime est certes facultative, mais répond à des conditions qui doivent être respectées, sous peine de remettre en cause le régime social et fiscal dont elle bénéficie. Le risque prud’homal est certainement moindre, mais n’est pas exclu lorsqu’auront été ajoutées à la loi des conditions qu’elle ne prévoit pas.

 

Ainsi, il sera successivement étudié :

 

– Les conditions d’éligibilité (I) ;

 

– Les conditions de mise en place (II) ;

 

– Les modalités d’attribution (III) ;

 

– Le régime fiscal et social de la prime (IV).

 

I – LES CONDITIONS D’ELIGIBILITE

 

L’attribution de la prime est soumise à deux conditions impératives :

 

1. Avoir la qualité de salarié de l’entreprise au 31 décembre 2018 ;

 

S’agissant de la qualité de salarié, la loi ne distingue pas certains salariés en raison de la nature de leur contrat de travail.

 

Par conséquent et en vertu du principe d’égalité de traitement, aucun salarié ne peut être exclu du périmètre des bénéficiaires de la prime exceptionnelle.

 

Ainsi doivent être intégrés aux salariés éligibles à la prime, les CDD, apprentis, contrat aidés, etc… à l’exclusion des stagiaires et salariés mis à dispositions (intérimaires).

 

L’entreprise utilisatrice est néanmoins libre de verser aux salariés intérimaires présentes dans l’entreprise une prime exceptionnelle, en informant l’entreprise de travail temporaire.

 

2.Percevoir une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC, calculé sur la base de la durée légale du travail, soit 53 945 € brut.

 

Eu égard au plafond fixé par la loi, l’article III prévoit la possibilité pour l’employeur de déterminer un plafond de rémunération inférieur propre à l’entreprise, sans que cela n’entraine aucune conséquence sur le bénéfice du régime social et fiscal de faveur.

 

Le texte fait ici référence à la rémunération brute des salariés, confirmant l’exclusion des heures supplémentaires et complémentaires.

 

Enfin, il n’est pas possible pour l’entreprise par accord ou décision unilatérale de prévoir des conditions supplémentaires à l’octroi de la prime, le texte prévoyant expressément ses propres conditions d’éligibilité.

 

II – LES MODALITES DE MISE EN PLACE

 

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat peut être mise en place par accord collectif ou par décision unilatérale.

 

En toute hypothèse, la mise en place du mécanisme doit être opérée au plus tard au 31 janvier 2019 lorsque la mesure aura été mise en place par décision unilatérale, ou au 31 mars 2019, en cas d’accord collectif.

 

Il n’existe pas d’ordre de priorité entre les deux alternatives.

 

1. La voie de l’accord collectif

 

L’accord conclu est nécessairement à durée déterminée, dont l’échéance est au plus tard le 31 mars 2019.

 

La forme de l’accord est prévue par la loi, celui-ci doit être conclu dans les conditions applicables à l’accord d’intéressement[2], soit :

 

par convention ou accord collectif de travail ;

 

par accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;

 

par accord conclu au sein du comité social et économique (ou du comité d’entreprise le cas échéant) ;

 

à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur.

 

Bien que l’article L. 2323-2 du Code du travail ne prévoit pas une information spécifique des Institutions Représentatives du Personnel, sur « les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation », il ne saurait que vous être conseillé de procéder à une telle information dès conclusion de l’accord.

 

2. La décision unilatérale de l’employeur

 

Il est nécessaire que la décision unilatérale soit notifiée au plus tard le 31 janvier 2019.

 

Le mécanisme crée par la loi dispose que l’information des instances représentatives, si elles existent, puisse être réalisée jusqu’au 31 mars 2019, le plus rapide étant bien évidemment, le mieux.

 

III – LES MODALITES D’ATTRIBUTION

 

Afin de bénéficier de l’exonération en matière fiscale et sociale, le montant maximum de la prime a été fixé à 1.000 euros par bénéficiaire.

 

Le montant de la prime peut être modulé, selon les critères fixés par la décision unilatérale de l’employeur ou par l’accord.

 

Ces critères pouvant être combinés, sont également évoqués à l’article II, 2° de la loi :

 

La rémunération ;

 

Le niveau de classifications (par exemple selon les catégories professionnelles ou les classifications conventionnelles) ;

 

La durée de présence effective du salarié, prenant en compte selon la loi des congés prévus aux articles L. 1225-1 et suivants du Code du travail, on retrouve ainsi les congés maternité, paternité et d’adoption ; mais également les congés parentaux d’éducation, pour maladie d’un enfant ou de présence parentale.

 

Sur ce point, il est à noter que la loi n’assimile pas les autres périodes d’absences telle que la maladie ordinaire ou les AT/MP alors que cela est expressément prévu en cas d’accord d’intéressement.[3] Il peut également être opportun d’inclure les absences assimilées à du temps de travail effectif au sens du calcul de l’indemnité de congés payés[4].

 

Cette liste n’est pas limitative et peut-être enrichie par des critères propres à l’entreprises ou au groupe, conduisant ce que le montant de la prime soit différent selon l’établissement dont relèvent les salariés.

 

Toutefois, il convient de préciser que la modulation ne peut amener à réduire le montant de la prime à zéro. Le projet d’instruction ajoute qu’« aucun critère ne peut conduire à une allocation discriminatoire de la prime entre les salariés ».

 

Néanmoins, l’ajout de critères devra être effectué dans la plus grande prudence afin d’éviter tout risque de contentieux, qui conduirait nécessairement les juridictions à privilégier l’égalité de traitement dans la ligne de la jurisprudence de la Chambre Sociale de la Cour de cassation.

 

IV – L’EXONERATION DE LA PRIME

 

Dans la limite de 1.000 euros par bénéficiaire, la prime est exonérée :

 

– de toutes les cotisations et contributions sociales (patronales comme salariales) d’origine légale ou conventionnelle : cotisations sociales, CSG/CRDS, Agirc-Arrco, assurance chômage, etc. ;

 

– de la participation-construction (CGI art. 235 bis), de la taxe d’apprentissage (CGI art. 1599 ter A), de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CGI art. 1609 quinvicies) et de l’ensemble des contributions dues au titre de la formation professionnelle (Article L. 6131-1 Code du travail)

 

– d’impôt sur le revenu.

 

[1] Instruction interministérielle nº DSS/5B/5D/2019/2 du 4 janvier 2019, NOR : SSAS1900388J

 

[2] Art. L. 3312-5 du Code du travail

 

[3] Article L. 3314-5 du Code du travail

 

[4] Article L. 3141-24 du Code du travail

 

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