Quand informer le salarié du motif économique de la rupture de son contrat de travail ?

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 27 mai 2020 : n°18-24.531 F-PB / n°18-20.153 et 18-20.158 F-PB

 

A l’aube des nombreuses difficultés économiques auxquelles devront faire face les entreprises en conséquence de la crise sanitaire lié au COVID-19, la Cour de cassation procède à un rappel important en matière de procédure de licenciement pour motif économique.

 

En effet, lorsque l’employeur envisage un licenciement pour motif économique, il a l’obligation d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat de travail dans un écrit à l’attention du salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnel.

 

Cette exigence ne disparait pas si le salarié adhère à un contrat de transition professionnelle, à une convention de reclassement personnalisée ou encore au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

 

En effet, ces conventions emportant rupture du contrat de travail pour une cause économique impliquent des mesures d’accompagnement pour les salariés dont l’acceptation doit résulter d’une information claire, précise et loyalement délivrée afin d’apprécier l’existence du motif économique.

 

A défaut d’information ou en cas d’information tardive, c’est la validité même du licenciement qui est remise en cause, car dénué de cause réelle et sérieuse.

 

Il est donc nécessaire d’être particulièrement vigilant tant sur le contenu que sur le moment de la motivation économique de la rupture.

 

Illustration de ces principes à travers les arrêts récents de la Chambre sociale :

 

I – Le refus d’une modification du contrat de travail

 

L’employeur propose à une salarié la modification de son contrat de travail pour motif économique[1].

 

Face au premier refus de la salarié, l’employeur lui soumet deux nouvelles propositions de modification de son contrat de travail toujours motivée par des raisons économiques.

 

Constatant le refus de la salariée soit expressément, soit à l’issue du délai d’un mois imparti, l’employeur engage la procédure de licenciement en procédant à sa convocation à un entretien préalable.

 

Le contrat de travail sera rompu par l’acceptation par la salariée du contrat de sécurisation professionnelle.

 

La salariée a toutefois saisi le Conseil de prud’hommes afin de contester le motif économique de son licenciement.

 

Dans la mesure où il a été constaté par la cour d’appel qu’aucun écrit n’avait été adressé à la salariée énonçant la cause économique de la rupture, puisque les motifs économiques étaient seulement précisés dans les courriers de proposition de modification du contrat de travail ; le licenciement a été considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur faisait valoir que si la salariée devait être informé des motifs économiques de son licenciement avant la date de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, cette information peut être délivrée avant même que la procédure de licenciement ne soit engagée, donc comme en l’espèce lors des propositions de modification du contrat de travail.

 

Appliquant strictement le texte et respectant sa jurisprudence antérieure[2], la Chambre sociale considère que l’employeur a informé la salariée trop tôt, puisque la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique, n’est pas la procédure de licenciement pour motif économique.

 

En conséquence, l’employeur n’ayant pas satisfait à son obligation légale d’informer la salariée du motif économique de la rupture au cours de la procédure de licenciement, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

 

II – Le licenciement autorisé par l’ordonnance du Juge-Commissaire dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire.

 

L’ouverture d’une procédure collective et plus particulièrement le placement en redressement judiciaire, ne justifie pas à elle seule le motif économique du licenciement.

 

Dans les faits, l’administrateur judiciaire désigné par le jugement d’ouverture remet à deux salariés de l’entreprise, les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu’une note indiquant à la fois les raisons économiques du licenciement (les difficultés économiques et la nécessité d’une restructuration) et leur incidence sur l’emploi (la suppression de quinze postes).

 

Par suite et durant la période d’observation, le juge-commissaire du Tribunal de Commerce, autorise l’administrateur à procéder au licenciement économique de quinze salariés considérant qu’ils présentaient un caractère urgent, inévitable et indispensable.

 

Les deux salariés ont dans un premier temps adhérer au contrat de sécurisation professionnelle et dans un second temps ont été destinataire de leur lettre de licenciement.

 

Les licenciements sont considérés comme étant sans cause réelle et sérieuse, en raison du défaut de motivation des motifs économiques ayant conduit à la rupture des contrats de travail.

 

En effet, la Haute Juridiction précise que la lettre de licenciement doit faire mention entre autres, de la décision du juge-commissaire ayant autorisé le licenciement pour être suffisamment motivée[3], à défaut le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

 

En l’espèce, les salariés ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle sans qu’ils ne soient fait mention de l’ordonnance autorisant leur licenciement, n’ont pas été suffisamment informé au jour de leur adhésion au dispositif.

 

De sorte que ce défaut de motivation caractérisé rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Ce qu’il faut retenir.

 

L’exposé des motifs ayant conduit à envisager le licenciement économique d’un salarié est impérative, peu importe que le salarié adhère à la convention de sécurisation professionnelle laquelle entraine la rupture du contrat de travail.

 

Cette information doit être complète et délivrée au plus tôt lors de l’engagement de la procédure de licenciement et au plus tard jour de l’acceptation de la proposition de convention, voire le jour-même[4].

 

A défaut l’employeur trop pressé ou non vigilant risque d’être condamné a des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la jurisprudence considérant qu’une information délivrée trop tôt ou imprécise constitue un défaut d’information préjudiciable au salarié.

 

[1] Selon les modalités prévues par les articles L. 1222-6 et L. 1233-3 du Code du travail

 

[2] Cass. soc. 22 septembre 2015 n°14-16.218 : une information donnée après l’acceptation de la convention prive le licenciement de cause réelle et sérieuse

 

[3] Cass. ass. plén. 24 janvier 2003 n° 00-41.741 et Cass. soc. 20 mars 2007 n°05-43.824

 

[4] Cass., Soc., 13 juin 2018, n° 16-17.865 FS-P+B,

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