Protection du salarié soumis au régime du forfait en jour.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 02 mars 2022, n°20-16.683 (FS-B)

Un salarié a été engagé par une entreprise comportant habituellement 3700 salariés en France, suivant contrat à durée indéterminée du 03 juillet 2006, en qualité de médecin du travail.

Le 12 novembre 2013, le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes de PARIS aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, lui faisant grief d’avoir manqué à son obligation de sécurité, d’avoir été harcelé moralement et d’avoir été victime de discrimination salariale.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable, le salarié a été licencié pour inaptitude, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 26 août 2014.

Débouté par les Premiers Juges, le salarié interjette appel de la décision et cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de PARIS, laquelle, dans un Arrêt du 20 mai 2020, va confirmer la décision des Premiers Juges.

Concernant le forfait jour, la Cour d’Appel relève que l’employeur ne justifie  pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature  à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail  et qu’au  surplus, il n’est pas établi que le salarié ait bénéficié chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées  l’organisation de l’intéressé et l’amplitude de ses journées de travail, de sorte qu’elle considère que la convention de forfait en jour  doit être  déclarée nulle.

Toutefois, la Cour d’Appel, constatant qu’à partir du mois d’août 2013, le salarié fait expressément référence, dans ses courriels, à une souffrance psychologique et à des idées noires, situation dont s’empare l’employeur qui alerte immédiatement le médecin du travail sur la gravité de la situation, considère que cette action de l’employeur contredit l’allégation du salarié selon laquelle la société n’a pas apporté de réponse à une souffrance avérée de sa part.

Elle considère que le salarié ne démontre pas que l’employeur ait laissé sans suite ses demandes relatives à ses recommandations de médecin du travail et à ses demandes sur ses perspectives professionnelles, de sorte qu’elle considère que l’ensemble de ces éléments met en évidence un comportement conforme de l’employeur à son obligation de sécurité et elle écarte donc les demandes de dommages et intérêts du salarié à ce titre.

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoir en Cassation.

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’appel qui a constaté que les conditions légales de mise en œuvre de la convention en forfait en jour n’étaient pas remplies et l’a donc déclaré nulle, sans pour autant en déduire que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.

La Chambre Sociale de la Haute Cour va suivre l’argumentation présentée par le salarié.

Soulignant que l’Arrêt d’appel retient que l’ensemble des éléments soumis à son appréciation mettait en évidence un  comportement de l’employeur conforme à son obligation de sécurité, alors qu’elle avait constaté que l’employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne  répartition dans le temps du travail et donc a assuré la protection de la sécurité et la santé du santé du salarié, il en résultait, au contraire, que l’employeur  avait manqué à son obligation de sécurité, et la Cour d’Appel, à qui il appartenait de vérifier si un préjudice en avait résulté, a violé les dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du Travail.

Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’Arrêt d’appel, seulement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de santé et de sécurité.

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