Plus-value professionnelle : détermination de la quote-part des recettes à retenir pour l’appréciation du seuil d’exonération en fonction des recettes

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : CAA de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juin 2020, n° 18BX03929, Inédit au recueil Lebon

 

Aux termes de l’article 151 septies du CGI, les plus-values réalisées en cours ou en fin d’exploitation par les contribuables dont les recettes n’excèdent pas certains seuils sont exonérées en tout ou partie, à condition que l’activité ait été exercée à titre professionnel pendant au moins cinq ans et que le bien cédé ne soit pas un terrain à bâtir ou un bien assimilé.

 

Cette exonération s’applique aux plus-values réalisées dans le cadre d’une activité agricole, artisanale, commerciale, industrielle ou libérale, exercée à titre professionnel.

 

Il peut s’agir d’une activité exercée dans une entreprise individuelle ou dans le cadre d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu. Dans ce dernier cas, l’exonération peut concerner tant les plus-values réalisées par la société que celles réalisées par les associés à l’occasion de la cession de leurs droits sociaux.

 

En effet, les droits sociaux détenus par une personne physique dans une société de personnes exerçant une activité professionnelle ont le caractère d’un actif professionnel (article 151 nonies du CGI), les plus-values de cession de ces droits sont donc imposables selon le régime des plus-values professionnelles et éligibles à l’exonération en fonction des recettes.

 

Le seuil de chiffre d’affaire autorisant l’exonération totale des plus-values est fixé à 250 000 € HT pour les entreprises exerçant une activité agricole. Les exploitants dont les recettes excèdent ce seuil, sans dépasser 350 000 € HT, bénéficient d’une exonération partielle dégressive.

 

Pour l’appréciation de ces limites, l’exploitant membre d’une société de personnes soumise à l’IR doit prendre en compte sa quote-part dans les recettes de la société, éventuellement majorée de ses recettes individuelles.

 

La question qui se posait en l’espèce était de savoir comment calculer la quote-part de recettes revenant à l’associé d’une société soumise à l’IR alors que cet associé percevait une rémunération en contrepartie de l’exercice de son activité dans cette société.

 

  Rappel des faits

 

1. B a cédé, le 18 septembre 2009, 2 000 parts qu’il détenait sur un total de 6 000 parts dans une société civile d’exploitation agricole (SCEA) où il exerçait son activité. Il a réalisé une plus-value qu’il a déclarée en lui appliquant, sur le fondement de l’article 151 septies du CGI, une exonération partielle.

 

A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a remis en cause les modalités de calcul de cette exonération.

 

Par un jugement du 24 juillet 2014, le TA de Bordeaux a fait droit à la demande de M. B tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales.

 

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 22 novembre 2016 a annulé le jugement et remis à la charge de M. B les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales.

 

Le Conseil d’Etat saisi de l’affaire a annulé l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel par une décision du 14 novembre 2018. Il juge que :

 

« Il résulte de ces dispositions [article 151 septies du CGI], éclairées par les travaux préparatoires des dispositions de la loi du 28 décembre 2001 portant loi de finances rectificative pour 2001 et de la loi du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009 relatives à l’article 70 du CGI, que la fraction des recettes réalisées par une société ou un groupement dont il est tenu compte pour ses associés, en application du quatrième alinéa du IV, est calculée en fonction de la proportion de leurs droits dans les bénéfices comptables de la société ou du groupement, tels qu’ils résultent du pacte social. »

 

  La décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 18 juin 2020

 

La Cour rappelle les dispositions des articles 151 septies et 70 du CGI puis reprend dans son arrêt le principe énoncé par le Conseil d’Etat.

 

En l’espèce :

 

  l’article 8 des statuts de la SCEA prévoyait que M. B détenait 2 000 des 6 000 parts sociales de la société, soit un tiers du capital social ;

 

  l’article 23 des statuts intitulé « affectation et réparation des résultats » ajoutait « Les associés qui participent au travail en commun et aux responsabilités de l’exploitation pourront percevoir en contrepartie de leur travail une rémunération par prélèvement anticipé sur les résultats qui sera fixée par décision collective ordinaire des associés et déduite des résultats comptables de l’exercice concerné ».

 

En application de ces dispositions, la SCEA a versé à M. B des rémunérations s’élevant à 22 800 € au titre de l’exercice 2007 et 24 000 € au titre de l’exercice 2008.

 

1. B a estimé que la plus-value à court terme dégagée lors de la cession de ses 2 000 parts sociales pour un montant de 706 700 € pouvait bénéficier à hauteur de 532 414 € de l’exonération partielle prévue à l’article 151 septies du CGI au motif que la moyenne des recettes de la SCEA au titre des exercices clos au cours des deux années civiles précédents l’exercice de réalisation des plus-values (2007 et 2008), était de 823 895 € (823 895 € / 3 = 274 632 € correspondant à la quote-part de M., montant inférieur à la limite d’exonération de 350 000 €).

 

L’administration, pour déterminer la proportion des droits de M. B, a estimé pouvoir remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle d’imposition, au motif que les stipulations précitées de l’article 23 des statuts modifiaient le pacte social en conférant à l’associé une part du bénéfice agricole plus importante que celle résultant de l’article 8 des mêmes statuts. La quote-part de M. B a ainsi été portée à une moyenne de 49,60 % sur les années 2007 et 2008, et la part de ce dernier dans les résultats réévaluée à 408 697 euros, en dépassement du seuil de 350 000 euros fixé par l’article 151 septies du CGI.

 

En l’espèce, l’administration, n’a pas déterminé la quote-part de M. B dans les résultats de la SCEA en s’en tenant à ce prévoyait l’article 8 des statuts, mais a entendu prendre en compte la rémunération versée à M. B et prélevée du bénéfice comptable, comme exposé à l’article 23 des mêmes statuts.

 

La Cour donne raison à M. B et juge :

 

« En ayant ainsi procédé, l’administration, qui s’est fondée sur la répartition du bénéfice imposable et non sur la répartition du bénéfice comptable tel qu’il résultait du pacte social fixé à l’article 8 des statuts de la société, a méconnu la loi fiscale applicable mais aussi, au demeurant, comme l’a d’ailleurs relevé le tribunal, sa propre doctrine énoncée au paragraphe 108 de l’instruction BOI 5K-1-09 du 13 mai 2009. »

Partager cet article
Vivaldi Avocats