Source : 3ème civ, 11 avril 2019, n°18-16121, FS – P + B + I
Malgré des effets particulièrement importants sur les relations des parties liées par un bail commercial, la LOI n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « Pinel » relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est restée silencieuse sur la question de l’application de certaines de ses dispositions aux contrats en cours.
Parmi ces nouvelles dispositions figure l’article L145-16-2 du Code de commerce, aux termes duquel :
« Si la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail. »,
Si l’application de l’article L145-16-2 aux baux conclus ou renouvelés à compter du 20 juin 2014 ne pose pas de difficulté, la question s’est posée de son application :
– Aux garanties en cours d’exécution, au titre d’une cession passée, ou à défaut,
– Aux cessions intervenant postérieurement à l’entrée en vigueur de la disposition, en vertu de stipulations d’un bail antérieur à l’entrée en vigueur.
Les premières décisions des juges du fonds s’orientaient vers une inapplication de l’article L145-16-2 aux garanties en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi[1], position que partageait en l’espèce la Cour d’appel de Paris dans la décision commentée.
En l’espèce, une société (le Cédant) procède en 2012 à un apport partiel de ses actifs, dont un droit au bail, à une autre société. Cette dernière étant défaillante dans le règlement de ses loyers et charges d’avril et mai 2015, le bailleur assigne le Cédant en paiement au titre d’une clause de solidarité cédant cessionnaire stipulée au bail.
Pour le Cédant, l’article L145-16-2 est non seulement d’ordre public, mais constitue également un effet légal du contrat, de sorte qu’il doit s’appliquer aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur.
La durée triennale légale de la garantie ayant pris fin en décembre 2015, le Cédant s’estimait délié de tout engagement.
Pour la Cour de cassation l’article L145-16-2 est un texte d’ordre public, interdisant de fait toute clause contraire.
Mais la Cour ajoute que l’ordre public n’induit pas nécessairement que le texte soit d’application immédiate aux contrats en cours, ce qui suppose deux circonstances alternatives :
– Un motif impérieux d’intérêt général, critère que ne remplit pas nécessairement un texte d’ordre public, revenant ainsi sur son arrêt du 9 février 2017[2] ;
– Un effet légal de contrat, ce que n’est pas l’article L145-16-2 du Code de commerce ;
L’article L145-16-2 ne présentant aucune de ces qualités, il n’a pas à recevoir application au présent litige, sans que l’on ne sache si l’inapplicabilité relève de l’ancienneté du bail, ou de celle de la cession ?
Plus clairement dit, la Haute Cour précisant simplement que l’article L145-16-2 n’était pas applicable au litige qui lui était soumis, qu’en serait-il d’un litige concernant l’application immédiate du plafonnement de durée aux cessions actuelles de baux « en cours » au jour de l’entrée en vigueur de la loi ?
Les dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014 semblent donc destinées à faire couler beaucoup d’encre…
[1] CA COLMAR, Ch civ 3 Sect. A, 18 juin 2018, n°18/0387 ; CA VERSAILLES, Ch 14, 11 mai 2017, n°16/05403, Cf également notre article du 16 septembre 2018 « application dans le temps de la loi PINEL » http://vivaldi-chronos.com/immobilier/baux-commerciaux-immobilier/application-dans-le-temps-de-la-loi-pinel/
[2] 3ème civ, 9 février 2017, n°16-10350