Libertés publique : ou s’arrête la protection de la vie privée ?

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

La saisie d’un objet abandonné sur la voie publique ou dans un conteneur collectif d’ordures ménagères ne constitue pas une atteinte à la vie privée.

Source: Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 avril 2022, 21-84.092 F-B

Un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 11 juin 2021 avait confirmé les condamnations prononcées dans le cadre d’un trafic de stupéfiants et rejeté l’exception de nullité soulevée par le prévenu tirée de l’irrégularité de la fouille du sac poubelle réalisée.

Dans le cadre de son pourvoi, le requérant soutenait que :

  • « toute ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée doit faire l’objet d’un contrôle judiciaire efficace de nature à garantir sa stricte nécessité ; que la fouille d’un sac poubelle déposé dans un conteneur sur la voie publique constitue une mesure d’ingérence dans la vie privée nécessitant l’autorisation préalable d’un juge ou du procureur de la République ; qu’en l’espèce, les officiers de police ont procédé d’initiative, en enquête préliminaire, à la fouille d’un sac poubelle déposé aux fins de destruction dans un conteneur sur la voie publique, en dehors de tout contrôle d’un juge ; qu’en conséquence, en rejetant l’exception de nullité soulevée par le conseil de l’exposant aux motifs que l’acte n’entrerait pas « dans le champ légal des actes soumis à l’autorisation préalable d’un juge ou le contrôle en amont du procureur de la République », la cour d’appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 39-3 et 41 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Il estimait que la fouille d’un sac poubelle et l’exploitation de son contenu, sans autorisation judiciaire, avaient porté atteinte à la protection de sa vie privée et constituaient une ingérence excessive au regard des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme suivant lesquelles :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Dans son arrêt du 6 avril 2022 (pourvoi n°21-84.092), la Chambre criminelle de la Cour de cassation relève qu’il résulte des pièces de procédure que, lors d’une surveillance, les enquêteurs avait remarqué qu’un homme qui avait été observé sur la terrasse de l’appartement où, selon leur renseignement, le trafic de stupéfiants se déroulait, avait déposé un sac poubelle dans un conteneur à ordures à usage collectif.

Lesdits enquêteurs avait pris ce sac et découvert, à l’intérieur de celui-ci, un ticket de recharge d’une ligne téléphonique pré-payée. La saisie de ce ticket et l’exploitation des informations qu’il contenait ont permis d’identifier les auteurs du trafic.

Fort de ces constats, la Cour rejette l’exception de nullité et confirme les termes de l’arrêt querellé en ce qu’il a retenu que l’atteinte ainsi portée à la vie privée du demandeur est restée modérée et proportionnée au but recherché, consistant dans la recherche de preuves susceptibles de démanteler un trafic de stupéfiants.

La Cour considère que la saisie effectuée par les enquêteurs, dans le but de rechercher les auteurs d’une infraction, d’un objet découvert abandonné sur la voie publique ou dans un conteneur collectif d’ordures ménagères ne constitue pas une atteinte à la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, nécessitant une autorisation judiciaire préalable à l’exploitation de son contenu.

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