Les faits de vol commis par un Stewart pendant une escale, peuvent-ils être considérés comme se rattachant à sa vie professionnelle et justifier un licenciement pour faute ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 8 juillet 2020 n°18-18.317 (FS-P+B)

 

Un salarié a été engagé le 26 février 1999 par contrat à durée indéterminée par la société Air France en qualité de personnel navigant commercial pour y exercer les fonctions de Stewart.

 

Par lettre du 10 septembre 2013, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 2 octobre 2013 assorti d’une mise à pied à titre conservatoire avec solde à compter du 12 septembre 2013.

 

Par lettre du 17 octobre 2013, il a été convoqué à la réunion fixée le 12 novembre 2013 du conseil de discipline chargé d’émettre un avis sur la proposition de sanction conformément aux dispositions du règlement intérieur de la société Air France.

 

Par lettre du 25 novembre 2013, il a été licencié pour faute grave et a saisi le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir sa réintégration et le paiement de diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail.

 

Débouté par les premiers juges, cette affaire arrive par devant la Cour d’Appel de Paris, laquelle dans un arrêt rendu le 12 avril 2018 va confirmer la décision des premiers juges.

 

Pour ce faire, elle relève que le salarié a été filmé par la vidéo de l’hôtel Pôlat Renaissance à Istanbul où était hébergé son équipage, en train de prendre le portefeuille qu’un client avait oublié sur le comptoir de l’hôtel.

 

La direction de l’hôtel en a informé directement le Chef d’Escale qui a fait remonter à sa hiérarchie les faits commis par le salarié.

 

A l’objection du salarié faisant valoir que ce fait n’avait pas été commis dans un cadre professionnel mais ressortait de sa vie personnelle, la Cour d’Appel relève que le salarié ne conteste pas la matérialité des faits qui ont été commis dans un hôtel d’Istanbul partenaire commercial de la société Air France, qui avait réservé à ses frais des chambres pour le salarié et ses collègues membres de l’équipe navigante, pendant le temps d’une escale, avant de reprendre leurs fonctions. Elle relève en outre que la direction de l’hôtel a signalé directement les faits à la société Air France et ainsi clairement identifié l’auteur des faits comme un salarié de cette société, ces circonstances suffisant à retenir que ces faits se rattache à la vie professionnelle du salarié.

 

A l’objection du salarié concernant l’imprécision du motif visé par la lettre de licenciement, la Cour relève que la lettre de licenciement qui reproche au salarié un manquement grave à ses obligations professionnelles en termes de comportement et d’attitude générale, ainsi que d’avoir porté atteinte à l’image de la compagnie et du métier de personnel navigant commercial auprès du client lésé et de l’hôtelier, a suffisamment énoncé les manquements aux obligations contractuelles découlant de l’exécution du contrat de travail reprochés au salarié.

 

Enfin, en réponse au salarié soutenant que la sanction était disproportionnée aux faits commis eu égard à son ancienneté et à son remboursement des 1.800$ se trouvant dans le portefeuille du client et au regard de l’absence de publicité donnée aux faits, la Cour relève que le salarié n’a pas spontanément reconnu les faits commis le 23 août 2013, et que ce n’est qu’après avoir consulté son dossier disciplinaire le 12 septembre 2013 qu’il a admis après avoir contesté les faits dans un premier temps, avoir dérobé le portefeuille d’un client se trouvant devant lui avait oublié sur le comptoir de l’hôtel, s’est emparé des billets se trouvant à l’intérieur puis avoir jeté le portefeuille ultérieurement retrouvé dans les toilettes.

 

Le salarié n’a pas non plus spontanément et immédiatement procédé au virement bancaire de la somme volée dans le portefeuille, puisque l’ordre de virement en faveur du client victime du vol n’a été réalisé que le 8 octobre 2013, en outre l’absence de publicité est uniquement liée à l’intervention de la société Air France envers le client de l’hôtel.

 

Par suite la Cour d’appel considère que le licenciement pour faute grave n’est pas disproportionné mais bien fondé, de sorte qu’elle déboute le salarié de son appel.

 

En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, outre un motif tiré de l’absence prétendument suivie par la société Air France de la procédure précisée par le règlement intérieur quant à l’information écrite des délégués du personnel dans le cadre de la procédure préalable, le salarié prétend qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié ou constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, alors que selon lui les faits avaient été commis en dehors du temps et du lieu de travail.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.

 

Soulignant que les faits de vol visés dans la lettre de licenciement dont le salarié ne contestait pas la matérialité avait été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la société Air France qui avait réservé à ses frais les chambres, et que c’est à la société Air France que l’hôtel avait signalé le vol et que la victime n’avait pas porté plainte en raison de l’intervention de la société, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié, la Cour d’Appel qui a considéré que le licenciement était fondé sur une faute grave commise par le salarié se rattachant à sa vie professionnelle, a légalement justifié sa décision.

 

Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour rejette le pourvoi.

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