SOURCE : 1ère civ, 6 février 2013. Pourvoi n° N 12-15.722. Arrêt n° 71 FS-P+B +I
Les frais relatifs à la souscription d’une assurance « incendie », dès lors que cette souscription n’est pas une condition de l’octroi d’un prêt immobilier mais simplement une exigence concernant l’exécution du contrat de crédit relevant de la bonne gestion, n’ont pas à être intégrés dans le calcul du TEG.
Ce principe a été posé par la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 26 mai 2011[1].
Dans cette espèce, les Juges d’appel avaient rejeté la demande des emprunteurs qui sollicitaient « la déchéance du droit aux intérêts du préteur en raison du caractère erroné du taux effectif global qui ne comprenait pas le coût de l’assurance incendie ».
La Cour de Cassation rejette le pourvoi formé contre cet arrêt en relevant :
« que la Cour d’Appel, devant laquelle ni la nullité de la clause relative aux intérêts conventionnels, ni celle du prêt n’étaient sollicitées, a relevé […] que les frais relatifs à l’assurance incendie résultaient de l’obligation pour l’emprunteur de constituer une garantie suffisante à l’égard du prêteur et ne participaient pas des frais d’octroi du prêt, de sorte que celui-ci n’était pas subordonné à la souscription d’une telle assurance ».
Aussi bien la jurisprudence est désormais bien fixée et les frais de l’assurance incendie, cette dernière serait-elle obligatoire aux termes de l’offre de crédit, ne doivent pas être intégrés dans le calcul du TEG, dès lors que l’octroi du crédit n’est pas subordonné à la souscription de cette assurance.
La première chambre civile de la Cour de Cassation, a confirmé sa position dans un arrêt du 12 juillet 2012[2], aux termes duquel elle énonce au visa de l’article L.313-1 du Code de la Consommation :
« Qu’en statuant ainsi quand les frais relatifs à l’assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du taux effectif global que lorsque la souscription d’une telle assurance est imposée par le prêteur comme une condition d’octroi du prêt, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
PAR CES MOTIFS […] :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit du Crédit foncier de France de percevoir les intérêts conventionnels au taux nominal dépassant le taux de l’intérêt légal pendant toute la durée du prêt consenti aux époux Y…, […] »
Que dans l’arrêt présentement commenté et promis à une large diffusion[3], la Cour de Cassation précise la condition de l’intégration des frais relatifs à l’assurance-incendie dans la détermination du taux effectif global.
Elle souligne la distinction suivante : la souscription d’une assurance résultant d’une simple obligation contractuelle à l’égard du prêteur ne justifie pas l’intégration des frais qu’elle engendre dans le TEG applicable au prêt dont l’octroi n’est pas subordonné à une telle souscription.
En l’espèce, une Banque consent à un particulier un prêt pour financer l’acquisition de biens immobiliers. Prétendant que le TEG est erroné l’emprunteur assigne la Banque en annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel contenu dans le contrat de prêt.
La Cour d’Appel fait droit à la demande de l’emprunteur au motif que le contrat de prêt contient une clause imposant à l’emprunteur la souscription d’une assurance garantissant, pendant la durée du prêt, les risques incendie des immeubles donnés en garantie et précisant qu’à défaut, le prêteur pourrait s’assurer lui-même aux frais des emprunteurs ou exiger le remboursement anticipé des sommes dues.
La Cour d’Appel se fonde sur le caractère obligatoire, à peine de déchéance du terme, de la souscription de l’assurance contre l’incendie pour justifier l’intégration des frais y afférents dans la détermination du TEG.
La Cour de Cassation censure la décision du juge du fond, estimant que les frais relatifs à l’assurance contre l’incendie ne peuvent être inclus dans le calcul du TEG que lorsque la souscription d’une telle assurance constitue une condition de l’octroi du prêt et non une simple obligation contractuelle stipulée en faveur du prêteur et dont l’inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme.
Force est de constater que la solution adoptée et entérinée par la Cour de Cassation encore récemment dans un arrêt rendu par la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation, le 6 février 2013, doit être approuvée.
Tout d’abord, elle est conforme à lettre de l’article L.313-1 du Code de la Consommation qui, à propos de la détermination du TEG fait expressément référence aux frais exposés « dans l’octroi du prêt ».
Ensuite, elle s’inscrit dans une jurisprudence constante qui fait de la condition d’octroi du prêt le critère exclusif d’identification des frais entrant dans le calcul du TEG[4] :
« Le coût des parts sociales dans la souscription est imposé par l’établissement prêteur comme une condition du prêt constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global ».
Or, on n’identifie pas de motif justifiant une solution dérogatoire pour l’assurance incendie.
D’autant que l’esprit du texte commande de ne pas inclure les frais de cette assurance dans le calcul du TEG, dès lors que ce taux ne représente pas un prix, mais un coût.
Le TEG, qui est une indication de ce coût, constitue dès lors une information permettant à l’emprunteur de mesurer à combien lui revient le fait d’acheter à crédit plutôt que de payer comptant.
C’est une information qui autorise une comparaison de sorte que, pour être pertinente, elle doit contenir uniquement les éléments caractéristiques de la situation comparée.
Précisément, l’assurance incendie n’est pas un de ces éléments dès lors que la plupart des propriétaires, pour ne pas dire tous, souscrivent une telle assurance, qu’ils soient endettés ou non.
Il n’y a pas de lien intrinsèque entre le crédit et l’assurance incendie et donc aucune raison d’intégrer les frais de la seconde dans le coût du premier.
Surabondamment et dans cette perspective, il serait d’ailleurs disproportionné de conditionner l’octroi du prêt à la souscription préalable d’une assurance incendie dès lors qu’en vertu de l’article L.121-13 du Code des Assurances, le créancier hypothécaire bénéficie de la subrogation réelle sur « les indemnités dues par suite d’assurance contre l’incendie ».
En qualité de créancier, l’établissement prêteur peut entreprendre les actions nécessaires à la conservation de son gage et dès lors à minima exiger de l’emprunteur que si tôt le contrat conclu et l’achat réalisé, il contracte une assurance incendie.
En cas de défaut de l’emprunteur, conformément aux dispositions de l’article 1144 du Code Civil et au visa des dispositions de l’article L.121-13 du Code des Assurances, le prêteur doit être autorisé à souscrire une telle assurance aux frais de l’emprunteur et il n’est nul besoin de renoncer au crédit.
Généralement seules les conditions générales y font référence et exige que l’emprunteur contracte une assurance incendie et qu’il maintienne celle-ci pendant tout le court du prêt, faute de quoi la banque se réserve le droit en cas de carence de l’emprunteur d’assurer lui-même ledit bien aux frais de l’emprunteur et exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues.
En conséquence, conformément aux dispositions de l’article L.313-1 du Code de la Consommation les frais relatifs à l’assurance incendie n’ont pas vocation à être intégrés dans la détermination du TEG, dès lors que la souscription d’une telle assurance n’a pas été imposée par le prêteur à l’emprunte comme une condition d’octroi du prêt.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1] Cass.civ, 26 mai 2011, numéro 10-13.861, 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation
[2] Cass.civ, 12 juillet 2012, numéro 11-21687, 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation
[3] Cass.civ, 6 février 2013, numéro 12-15622, P+B+I ? 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation
[4] Cass.cvi, 9 décembre 2010, numéro 09-67.089, FS – P +B + I, 1ère Chambre : Jurisdata 2010/023213