La prépondérance immobilière s’apprécie sans tenir compte des immeubles par destination

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 décembre 2020, n° 18-25.559, Publié au bulletin

 

Par acte sous seing privé en date du 29 novembre 2010, la société Bernard Escande a acquis les actions composant le capital de la SAS Société hydroélectrique de la Houille blanche, qui exploite une centrale hydroélectrique.

 

Cette mutation a été taxée au taux de 1,10 % prévu au 1° de l’article 726, I, du code général des impôts, plafonné à un certain montant.

 

Par une proposition de rectification du 1er août 2011, l’administration fiscale a considéré que, eu égard à la valeur des installations dédiées à l’exploitation, qui ont la nature d’immeubles par destination, cette cession devait être soumise au droit d’enregistrement au taux de 5 % applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, conformément aux dispositions de l’article 726, I, 2°, du code général des impôts.

 

Après examen du litige par la commission départementale de conciliation, qui a donné un avis favorable sur la prépondérance immobilière de la société cédée, l’administration fiscale a émis un avis de recouvrement des droits supplémentaires réclamés. La société Bernard Escande a contesté ces impositions par une réclamation qui a été rejetée le 27 avril 2015. La société Bernard Escande a assigné l’administration fiscale en annulation de cette décision et en dégrèvement des droits et pénalités perçus.

 

Le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais fait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 23 avril 2018 de déclarer non fondée et d’annuler la décision de rejet du 27 avril 2015 alors que :

 

  L’article 726.-I. du CGI prévoit en son 2° que les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d’enregistrement dont le taux est fixé à 5 % pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ;

 

  Le même article précise qu’ « est à prépondérance immobilière la personne morale (…) dont l’actif est, ou a été au cours de l’année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales (…) elles-mêmes à prépondérance immobilière » ;

 

  L’article 726 du CGI se réfère ainsi à la notion d’ « immeubles ou de droits immobiliers », sans autre précision et en pareil cas le caractère des biens doit nécessairement être déterminé selon les règles du droit civil ;

 

  L’article 517 du Code civil énonce que « les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auxquels ils s’appliquent » ;

 

  L’article 524 du même code précise par ailleurs que « les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placé pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination » et que sont notamment immeubles par destination « tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure ».

 

Le directeur départemental des finances publiques du Pas-de-Calais en déduit que la notion d’immeuble englobe les immeubles par nature comme les immeubles par destination. Ainsi, pour l’appréciation de la prépondérance immobilière au sens de l’article 726 du CGI, il convient de tenir compte de l’ensemble des immeubles, qu’il s’agisse d’immeubles par nature ou d’immeubles par destination.

 

La Cour de cassation rejette cette argumentation et confirme la position retenue par la Cour d’appel.

 

Elle rappelle, dans un premier temps, que selon l’article 726, I, 2°, du CGI, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009, est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d’instruments financiers et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France et juge que :

 

« Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits réels immobiliers, sans viser les immeubles par destination, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que ces derniers ne peuvent être pris en compte pour déterminer si, au sens de l’article 726, I, 2°, susvisé, une personne morale est à prépondérance immobilière. ».

 

En conséquence, les installations de la centrale hydroélectrique ne doivent pas être prises en compte pour l’appréciation de la prépondérance immobilière de la société SAS Société hydroélectrique de la Houille blanche.

 

La Cour retient une interprétation stricte de la notion d’immeuble, interprétation favorable aux contribuables, les cessions d’actions étant taxées à 0,1% pour les sociétés qui ne sont pas à prépondérance immobilière (contre 5% pour les sociétés qui sont à prépondérance immobilière).

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