La nullité de plein droit du procès-verbal de constatation d’une infraction établie par l’inspection du travail en l’absence de mise en demeure préalable.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 octobre 2021, n° 21-80.146

 

Un salarié circulant à pied dans une zone de déchargement a été gravement blessé par un engin.

 

Informée de l’accident, l’inspection du travail se rend dès le lendemain sur les lieux et, dresse plus d’un an après sa visite, un procès-verbal retenant l’infraction de manquement aux prescriptions de l’article R. 4224-3 du Code du travail.

 

En vertu de cet article, il incombe à l’employeur d’aménager la circulation des piétons et des véhicules afin qu’elle puisse se faire de manière sûre.

 

La société et son directeur général ont alors été poursuivis et condamnés pour avoir omis d’aménager les lieux de travail intérieurs et extérieurs.

 

Tant devant le tribunal correctionnel, que devant la cour d’appel, l’employeur soulevait une irrégularité de procédure afin d’obtenir la nullité du procès-verbal de l’inspection du travail. En effet, les dispositions de l’article L. 4721-4 du Code du travail exige qu’avant de dresser un procès-verbal, les agents de contrôle de l’inspection du travail doivent mettre l’employeur en demeure de se conformer à la réglementation.

 

A défaut, aucune infraction ne peut être relevée par voie de procès-verbal.

 

Par dérogation, l’article L. 4721-5 du Code du travail dispose que les agents sont autorisés à dresser immédiatement un procès-verbal lorsque les faits qu’ils constatent présentent un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des salaries.

 

C’est sur le fondement de ce texte que, les juges d’appel ont considéré que l’intervention des agents et donc le procès-verbal qui en découle avaient été suscités par la survenance d’un accident du travail lequel constitue un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des salariés, de sorte que, les agents pouvaient, selon eux, dresser un procès-verbal sans mise en demeure préalable.

 

La cour d’appel relevait également que l’employeur avait tacitement bénéficié d’un délai pour régulariser la situation, entre la visite des inspecteurs et l’établissement un an après du procès-verbal, ce qui aurait nécessairement impacté les poursuites.

 

Enfin, les juges du fond constataient que l’absence de mise en demeure n’avait causé aucun préjudice en vertu de l’adage « pas de nullité sans grief ».

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur soutenait que l’obligation de mise en demeure incombait aux inspecteurs dans la mesure où ils se prononçaient, dans le cadre d’un contrôle général sur la méconnaissance de l’obligation d’aménager les lieux de travail et ne faisaient pas référence à l’accident du travail survenu la veille de leur visite.

 

Ainsi, il appartenait à la Cour de cassation de définir les contours de la notion de danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des salariés, permettant de déroger à l’obligation de mise en demeure.

 

La Chambre Criminelle considère que n’ayant été dressé que le 30 août 2017, soit près de seize mois après l’accident, le procès-verbal devait être précédé d’une mise en demeure préalable.

 

La Cour de cassation estime qu’un accident du travail peut caractériser un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des salariés exonérant les inspecteurs du travail de l’obligation de mise en demeure préalable, ces derniers doivent toutefois agir avec célérité pour s’en prévaloir.

 

Or, en l’espèce, l’établissement du procès-verbal était intervenu plus d’un an après l’accident, de sorte que l’inspection du travail ne pouvait s’estimer dispensée de son obligation de procéder à une mise en demeure préalable de l’employeur.

 

La Haute Juridiction affirme également que l’inobservation de l’obligation de mise en demeure, dont l’objet est de permettre au contrevenant de se mettre en conformité avant toute poursuite, lui fait nécessairement grief.

 

En conséquence, il est reconnu une nullité de plein droit du procès-verbal, en l’absence de mise en demeure préalable et de causes exonératoires, ce qui aura pour effet de fragiliser le dossier pénal. Toutefois, la nullité du procès-verbal de l’inspection du travail n’implique pas la nullité des poursuites[1], puisque d’autres actes permettront de démontrer la commission de l’infraction (audition par les services de Police, enquête, etc…).

 

[1] Cass. crim., 22 mars 1990, n° 89-83.018,

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