SOURCE : Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 décembre 2020, n°19-19.685
Dans cette affaire, un salarié élu au CHSCT et désigné délégué syndical et représentant de la section syndicale saisi le Conseil de Prud’hommes d’une demande en paiement d’heures de délégation.
Les représentants des salariés qu’ils soient élus ou désignés disposent de moyens pour exercer leurs missions, de sorte que le Code du travail alloue un crédit d’heures de délégation.
Le crédit d’heures est fixé par mois par représentant et varie en fonction de l’effectif de l’entreprise.
Les articles L. 2315-8 et R. 2315-5 du Code du travail dispose que le salarié a la possibilité de reporter les heures non utilisées d’un mois sur l’autre. Toutefois, cette règle ne peut conduire un membre à disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demi le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie.
Néanmoins, si malgré cette possibilité de report, le crédit d’heures s’avère insuffisant pour permettre au salarié d’exercer les fonctions liées à son mandat, il a la possibilité de demander une augmentation de son crédit d’heures s’il justifie de circonstances exceptionnelles.
Par principe, le représentant peut librement utiliser le crédit d’heures dont il dispose.
Dès lors, ces heures sont considérées de plein droit comme du temps de travail et payés à échéance normale.
Il existe donc une présomption de bonne utilisation des heures de délégations.
Selon l’article L. 2143-17 du code du travail, l’employeur qui veut contester l’utilisation qui a été faite des heures de délégation doit saisir le juge et solliciter le remboursement sous réserve de démontrer leur caractère injustifié.
Exception, le représentant peut au-delà du crédit d’heures prévues invoquer des circonstances exceptionnelles, ces heures de dépassement ne bénéficie toutefois pas de la présomption de bonne utilisation.
Ainsi, l’employeur est en droit de se livrer à un contrôle préalable sur l’utilisation de ces heures exceptionnelles avant tout paiement.
Dans l’arrêt commenté, le salarié sollicite le paiement des heures de délégations accomplies en plus du crédit d’heures lesquelles ont été prise en dehors de son temps de travail, principalement le dimanche et la nuit.
Pour que sa prétention aboutisse, le salarié invoquait une surcharge de travail, laquelle l’empêchait de se libérer pendant ses heures ainsi que la nécessité de toucher le personnel affecté aux heures de nuit et de week-end ou travaillant les jours fériés.
Cependant la Cour de cassation rappelant qu’il appartient au salarié de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de ses heures de délégation ainsi que la conformité de l’utilisation des heures excédentaires avec la mission.
Un arrêt de principe[1] vient définir que « sont exceptionnelles les circonstances qui supposent une activité inhabituelle, nécessitant un surcroît de démarches et d’activités débordant le cadre des tâches coutumières des membres du comité en raison, notamment, de la soudaineté ou de l’urgence des mesures à prendre ».
La jurisprudence a retenu comme constituant des circonstances exceptionnelles :
L’existence d’une procédure d’alerte interne (Cass, soc., 27 févr. 2013, no 11-26.634) ;
L’existence d’une menace sur les effectifs (Cass. soc., 10 déc. 2003, no 01-41.658) ;
Le règlement d’un conflit collectif important qu’il s’agisse :
d’un conflit concernant plusieurs établissements de l’entreprise (Cass. soc., 27 juin 1979, n° 78-40.229),
d’une grève de longue durée (Cass. soc., 8 juill. 1998, n° 97-42.743),
d’une grève et d’un plan social (Cass. soc., 9 juin 1999, n°97-41.023) ;
Une restructuration de l’entreprise d’une grande ampleur (Cass. soc., 6 juill. 1994, n° 93-41.705) ,
L’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi, la mise en œuvre de mesures de chômage partiel, ainsi que le suivi d’une instance judiciaire impliquant 147 salariés revendiquant le paiement d’un rappel de salaire (Cass. soc., 27 nov. 2012, n°11-21.202), etc…
Dès lors, se fondant sur les contestations des juges du fond, la Cour de cassation relève que le salarié ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles permettant d’expliquer une telle utilisation de ses heures.
Dans ces conditions, l’employeur pouvait à juste titre contester le caractère nécessaire des heures excédant celles qui avaient déjà été payées et pouvait légitimement considérer qu’il n’était pas tenu au paiement de ces heures.
[1] Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424 ; Cass. soc., 6 juill. 1994, n° 93-41.705