Il faut obligatoirement recourir au service d’un géomètre-expert pour délimiter les droits des copropriétaires
Source : Cass. 3ème Civ., 29 juin 2022, n°20-18.136
C’est ce que fait comprendre la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 2 juin 2020), par actes du 17 août 2007, M. [M], notaire associé de la société Office notarial du Val d'[Localité 2] (la société notariale), a reçu, à la demande de la société civile immobilière [Adresse 5] (la SCI), le règlement de copropriété et l’état descriptif de division d’une copropriété dénommée « l’ensemble immobilier [Adresse 5] », constituée de deux lots, correspondant à deux superficies matérialisées en vert et en jaune sur un plan annexé aux actes, chacun des deux lots comprenant un chalet et un jardin privatif, l’accès commun à la voie publique constituant une partie commune.
2. Par acte du même jour, la SCI a vendu à Mme [U] le lot de copropriété supportant le chalet n° 2, ensuite acquis, selon acte du 9 juillet 2010 reçu par M. [M], par M. et Mme [S].
3. Par acte du 23 décembre 2008, la SCI a vendu à son gérant, M. [L], le lot de copropriété supportant le chalet n° 1.
4. Le 8 juillet 2013, soutenant que l’accès à la voie publique n’avait pas été réalisé à l’emplacement matérialisé sur le plan annexé à l’état descriptif de division correspondant à la partie commune et qu’il empiétait sur leur jardin privatif, M. et Mme [S] ont assigné le syndicat des copropriétaires [Adresse 5] (le syndicat des copropriétaires), M. [L] et Mme [Z], venant aux droits de la SCI, entre-temps dissoute et liquidée, et M. [L], en ses qualités d’ex-gérant de la SCI et de copropriétaire, ainsi que la société notariale en substitution d’un régime de pleine propriété au régime de la copropriété, en interdiction à M. [L] de tout passage sur leur lot et en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [S] font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites leurs demandes en responsabilité et indemnisation contre la société notariale au titre de l’atteinte à leurs droits de propriété, alors :
« 1°/ que pour dire prescrites les demandes de M. et Mme [S] concernant la réparation des conséquences de l’atteinte à leurs droits de propriété, la cour d’appel retient que ce dommage, résultant d’une faute du notaire, s’est nécessairement manifesté au jour de la réception le 17 août 2007 des actes constitutifs de la copropriété et de la vente à Mme [U], puisque c’est à cette date que la situation a été créée et que Mme [U] en a eu une connaissance qui lui permettait d’agir ; que la vente à M. et Mme [S] en 2010, n’a fait que rappeler les circonstances de la première vente intervenue au profit de Mme [U] et [ne] peut avoir joué aucun rôle ; qu’en statuant ainsi cependant que M. et Mme [S] agissaient en vertu de leur droit propre à l’encontre du notaire à qui ils reprochaient en outre d’avoir commis des fautes dans le cadre de la vente du bien intervenue en 2010 entre eux-mêmes et Mme [U] à l’origine de leur préjudice, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
3°/ que pour dire prescrites les demandes des époux [S] concernant la réparation des conséquences de l’atteinte à leurs droits de propriété, la cour d’appel retient encore que « de plus », il n’est pas contesté que le compromis de vente signé le 11 mars 2010 comprenait en annexe le plan annexé à l’état descriptif de division, révélant de manière très claire que l’accès visible sur le terrain était différent du plan, avant d’en déduire que par l’effet de la loi du 19 juin 2008 [en réalité 17 juin 2008], le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 ; qu’en statuant ainsi, quand à supposer même que le plan annexé au compromis de vente eût permis de déterminer clairement les limites parcellaires du lot acquis, il résulte de ces énonciations que l’action en responsabilité engagée à l’encontre du notaire par acte du 8 juillet 2013, soit moins de cinq ans après la signature dudit compromis de vente, n’était pas prescrite, la cour d’appel a en toute hypothèse omis de tirer les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 2224 du code civil :
7. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
8. Pour déclarer l’action contre la société notariale irrecevable comme prescrite, l’arrêt retient que le dommage tiré de l’atteinte au droit réel immobilier s’est nécessairement manifesté le 17 août 2007, lors de la réception des actes constitutifs de la copropriété et de la vente à Mme [U], laquelle avait connaissance de la situation créée lui permettant d’agir.
9. En se déterminant ainsi, alors que M. et Mme [S], qui invoquaient un droit propre, ne pouvaient avoir eu connaissance du fait leur permettant d’agir avant leur acquisition en 2010, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et neuvième branches, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [S] en annulation du plan de division, tendant à faire constater l’inexistence de la copropriété, à l’attribution de la parcelle n° 2 en pleine propriété et en responsabilité contre la SCI et M. [L]
Enoncé du moyen
10. M. et Mme [S] font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 4°/ qu’en retenant qu’il importait peu que le plan annexé à l’état descriptif de division eût été réalisé par un géomètre-expert ou non, cependant qu’il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d’appel en a violé par refus d’application les dispositions ;
9°/ qu’en statuant par ces motifs, cependant qu’il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée, que seuls les géomètres-experts peuvent dresser les plans de division des biens fonciers, la cour d’appel en a violé par refus d’application les dispositions. »
(…)
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevables les demandes formée contre M. [L] et Mme [Z] en leur qualité d’anciens associés de la SCI [Adresse 5], et contre M. [L] en sa qualité d’ancien gérant de cette SCI et rejette les demandes formées au titre des droits de mutation versés par M. et Mme [S] lors de l’acquisition de leur lot et de dommages-intérêts pour procédure abusive, l’arrêt rendu le 2 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;… »
Aux termes des dispositions des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, les géomètres experts disposent d’un monopole pour établir les plans et documents relatifs à la limite des biens fonciers.
En conséquence la mise en copropriété horizontale suppose l’intervention d’un géomètre-expert et le plan annexé aux actes de copropriété, règlement de copropriété et état descriptif de division doit être établi par un géomètre-expert.