N’encourt pas la résiliation de son bail commercial sur le fondement de l’article L145-41 du Code de commerce, le locataire dont le manquement contractuel n’est pas strictement visé et sanctionné par la clause résiliation anticipée. Nouvelle illustration jurisprudentielle avec l’arrêt du 8 juin 2023, inédit.
SOURCE : Cass. civ 3ème, 8 juin 2023, n°21-19099, Inédit
Le litige soumis à la censure de la Cour de cassation s’inscrit dans une extension de l’occupation d’un bail commercial à des surfaces non louées contractuellement, extension irrégulière qui a conduit le bailleur à faire sommation au locataire d’avoir à libérer les surfaces litigieuses.
Cette sommation s’inscrivait dans le cadre d’un commandement de payer les loyers et les charges visant la clause de résiliation anticipée.
Le locataire avait pris le soin dans le délai d’un mois à compter de la signification du commandement de payer contenant également sommation de déguerpir, d’assigner le bailleur en opposition à commandement de payer, lequel en a profité pour solliciter reconventionnellement le bénéfice de la clause résolutoire.
La Cour d’appel avait constaté la résiliation du bail commercial, prononcé l’expulsion du locataire et l’avait condamné à payer une indemnité d’occupation jusqu’à parfait délaissement des lieux.
Le locataire s’est alors pourvu en cassation et a soutenu que la résiliation anticipée d’un bail commercial implique un manquement aux obligations expressément visées au bail, que celle-ci ne peut être mise en œuvre au titre de la seule occupation d’une partie de l’immeuble non comprise au bail.
Dans son arrêt inédit du 8 juin 2023, la Cour censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa de l’article L145-41 alinéa 1er du Code de commerce, aux termes d’une argumentation reprise comme suit :
D’une part, aux termes du texte précité, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité mentionné ce délai[1].
D’autre part, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire, l’arrêt relève que l’acte signifié au locataire consiste non seulement en un commandement de payer, mais également en une sommation de libérer sans délai les surfaces excédant la surface loué.
L’arrêt ajoute que cet acte reproduit les dispositions de l’article L145-41 du Code de commerce, et indique que le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire insérée au bail, laquelle stipule que le bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme à son échéance ou à défaut d’exécution d’une seule des charges et conditions du bail.
Il en déduit que le bailleur peut demander de voir constater la résiliation de plein droit du bail pour occupation illicite de surfaces excédant le champ contractuel sur le fondement de ce commandement emportant sommation à cette fin et visant la clause résolutoire.
Puis, il retient que si la locataire s’est acquittée des causes du commandement de payer, elle ne s’est pas conformée aux dispositions du bail en occupant une parcelle au-delà de la limite contractuelle, notamment des surfaces engazonnées, et a ainsi contrevenu aux termes du commandement.
En statuant ainsi, alors que la résiliation de plein droit du bail prévue par l’article L145-41 du Code de commerce ne peut sanctionner qu’un manquement pour lequel la mise en œuvre de la clause résolutoire est prévue, la Cour a violé le texte susvisé.
Cette décision inédite s’inscrit dans un courant jurisprudentiel favorable à l’interprétation restrictive des clauses de résiliation anticipée, lesquelles doivent viser avec précision le manquement susceptible d’entrainer la résiliation du bail. Il appartient ainsi au juge des référés de rechercher si la clause sanctionne bien l’infraction commise par le locataire commercial[2]
[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 31 octobre 1989, n°88-12590, FS – PB
[2] En ce sens, Cass. civ 3ème, 29 avril 1985, n°83-13775, FS – B