Bail commercial, droit de préemption du preneur en liquidation judiciaire

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE :  Cass. com, 23 mars 2022, n°20-19174, FS – PB 

I –

La décision rendue par la chambre commerciale, publiée au Bulletin, met en lumière le caractère prépondérant de la volonté du propriétaire bailleur dans le cadre de la vente de l’immeuble objet du bail pour déclencher de droit du préemption dont bénéficie le locataire.

Plus précisément, l’arrêt précise, à la lecture de ses titrages et résumés, que lorsqu’un immeuble fait l’objet d’une vente de gré à gré dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, cette vente étant faite d’autorité de justice, les dispositions relatives au droit de préemption du locataire, ne sont pas applicables. Dans la mesure où ce dernier ne peut préempter, il est irrecevable à former un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de l’immeuble, ses droits et obligations n’étant pas affectés par la décision.

En l’espèce, une société bailleresse a été placée en procédure de liquidation judiciaire par un jugement en 2017. Par une ordonnance de 2019, le juge-commissaire a autorisé par suite la vente de gré à gré de l’immeuble objet du bail, sans faire l’objet d’aucune recours.

La notaire en charge de la rédaction de l’acte de cession a notifié au locataire son projet de cession tout en l’informant de l’existence à son profit d’un droit de préemption, ce dernier ayant choisi de préempter l’immeuble.

Le liquidateur informé de ce choix du locataire a par requête, saisi le juge-commissaire pour lui exposer la difficulté lié à l’exercice de ce droit par le locataire. Pour le liquidateur, le vente de l’immeuble dans le cadre de la liquidation emportait une exception au droit de préférence du preneur commercial.

Le juge-commissaire a par suite, rétracté l’ordonnance, ordonné l’ouverture d’un nouvel appel d’offres pour l’acquisition de l’immeuble en précisant que la société locataire ne disposait pas d’un droit de préemption sur le bien objet de la cession, et ordonné la notification de la nouvelle ordonnance, notamment à la société locataire et au dirigeant de la société bailleresse. La société locataire a donc entendu contester l’ordonnance du juge-commissaire, souhaitant que la vente soit prononcée à son profit en vertu du droit de préemption tiré de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce.

Bien que la Cour d’appel ne fasse pas directement droit à cette demande, elle annule tout de même l’ordonnance pour excès de pouvoir, en retenant que le juge-commissaire était dessaisi de son pouvoir dès le prononcé de la première ordonnance à l’égard de laquelle aucun recours n’avait été effectué. Il s’ensuit que le juge-commissaire ne pouvait faire juger la difficulté tenant à l’application du droit de préemption du locataire que par la voie de l’appel.

La société bailleresse se pourvoir en cassation.

II –

La Haute juridiction énonce que la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’un liquidation judiciaire est une vente faite par autorité de justice, si bien que le droit légal de préemption du locataire commercial n’est pas applicable. La décision n’est pas nouvelle[1].

Elle permet à la Cour d’en déduire que les dispositions de l’article L145-46-1, relatives au droit de préemption du locataire commercial dans le cas où le propriétaire du local envisage de le vendre, ne sont pas applicables en l’état. La vente ayant été autorisée par le juge commissaire au titre de la réalisation des actifs immobiliers, ne pouvait ainsi donner lieu  l’exercice par le preneur de son droit de préemption. Ce dernier n’était donc pas recevable à former un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, puisque ses droits et obligations n’étaient pas affectés par la décision.

La solution semble justifiée pour CHRONOS : il ne faut pas perdre de vue que l’aspect volontariste de la cession est primordial. En effet, la troisième chambre civile a déjà eu l’occasion de rejeter l’application du droit de préemption du preneur commercial aux ventes judiciaires[2].

Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’une vente sur adjudication consécutive à une saisie immobilière qui ne pouvait donc pas être considérée comme un acte volontaire. Or, l’article L145-46-1 du Code de commerce précise très exactement que le droit de préemption ne joue que lorsque : « Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci (…) ».

Dans le cas d’une vente sur autorisation du juge-commissaire dans le cadre d’une procédure collective, le propriétaire est contraint de céder son bien permettant la réalisation des actifs exigés par la procédure collective. A cet égard, et quelle que soit la modalité de réalisation des actifs choisie, le propriétaire de l’immeuble n’en fixera pas moins le prix de vente du bien.

[1] Cass. 3ème civ, 17 mai 2018, n°17-16113

[2] Cass. civ 3ème, 17 mai 2018, n°17-16113, FS – PB

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