La perte d’un honoraire de résultat consécutive à une résiliation anticipée du contrat doit être appréciée comme une perte de chance
Le préjudice résultant de la résiliation anticipée d'un contrat, lorsque celle-ci emporte la disparition d'une éventualité favorable à laquelle était subordonnée la perception par le co-contractant d'un honoraire de résultat, s'analyse en une perte de chance, qui, mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Viole, dès lors, l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil et le principe de réparation intégrale, la cour d'appel qui retient que le préjudice subi par le prestataire de services dont le contrat a été résilié fautivement est équivalent à la rémunération qu'il aurait obtenue si la convention était allée à son terme, alors que cette rémunération dépendait d'une éventualité favorable, incertaine à la date de la résiliation, sinon quant au principe du moins quant au quantum de l'honoraire de résultat, de sorte que le préjudice s'analysait en une perte d'une chance. Cour de cassation, 11 septembre 2025, n° 23-21.882 I – Une SCI, propriétaire d’un ensemble commercial exploité par une société, a entrepris une opération d’extension de la surface de vente pout laquelle…
La présomption de responsabilité décennale ne peut être écartée au seul motif que la cause des désordres demeure incertaine ou inconnue
Pour prouver l'imputabilité des désordres, il suffit au maître de l'ouvrage d'établir qu'il ne peut être exclu, au regard de la nature ou du siège des désordres, que ceux-ci soient en lien avec la sphère d'intervention du constructeur recherché. Lorsque l'imputabilité est établie, la présomption de responsabilité décennale ne peut être écartée au motif que la cause des désordres demeure incertaine ou inconnue, le constructeur ne pouvant alors s'exonérer qu'en démontrant qu'ils sont dus à une cause étrangère. Cour de cassation, 11 septembre 2025, n° 24-10.139 I – Un maître d’ouvrage a confié à un entrepreneur des travaux d’électricité pour les besoins de la construction d’une maison d’habitation. Les travaux ont été réceptionnés. Par la suite, la maison a été détruite par un incendie. Après expertise judiciaire, le maître de l'ouvrage et son assureur multirisque-habitation ont assigné l'entrepreneur et son assureur en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité décennale. II – La Cour d’appel a jugé que la responsabilité décennale de l’entrepreneur n’était pas engagée. L'arrêt retient en effet que, si le sinistre a pris naissance…
Installations photovoltaïques et garantie décennale : précision sur l’exclusion prévue à l’article 1792-7 du Code civil
Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui écarte l'application de l'article 1792-7 du code civil à des modules photovoltaïques sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ceux-ci, bien qu'intégrés à la nouvelle toiture composée de bacs en acier, ne constituent pas des éléments d'équipement dépourvus de fonction de clos ou de couvert permettant exclusivement l'exercice d'une activité professionnelle de production et de vente d'énergie. Cour de cassation, 25 septembre 2025, n° 23-22.955 I – Une société BN SOLAIRE a confié à la société TCE SOLAR, l’installation, en toiture d'un bâtiment dont la couverture existante avait été déposée, d'une unité de production d'énergie solaire comprenant des panneaux photovoltaïques fabriqués par un tiers et équipés de boîtiers de connexion fournis par un fournisseur assuré auprès de la société AXA. La réception des travaux a eu lieu le 19 janvier 2011. Plusieurs incidents de production sont survenus avant l'arrêt total de l'installation, le 27 janvier 2012, ces dysfonctionnements étant causés par un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion. II – La cour d’appel a…
Mandat immobilier : l’omission de la mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle ne vaut pas nullité
L'absence, sur le mandat de l'agent immobilier, de la mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle exigée n'affecte pas, à elle seule, la validité du mandat lorsque le mandataire justifie avoir été titulaire, à la date de celui-ci, d'une carte professionnelle régulièrement délivrée. Cour de cassation, 11 septembre 2025, Pourvoi n° 23-17.579 I – En l’espèce, la mandataire, chargée de la vente d’un hôtel, a informé les mandantes de la possibilité d’acquérir à la fois cet hôtel et un chalet situé sur une parcelle voisine. Un premier mandat de recherche a été signé le 12 janvier 2016, portant sur l’hôtel et le chalet. Un second mandat a été signé le 5 mai 2016, uniquement pour le chalet. Le 3 juillet 2017, le chalet a été vendu à un tiers. Le 26 octobre 2018, les mandantes ont acquis, d’une part, la société propriétaire de l’hôtel, et d’autre part, la parcelle sur laquelle se trouvait le chalet, via une société civile dont elles étaient les représentantes et cautions. La mandataire, estimant avoir permis, par son entremise et ses conseils, ces…
L’expertise à l’épreuve du contradictoire
Le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties. Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 avril 2025, n° 23-18.729 I – En l’espèce, en 2014, des créanciers ont fait procéder à la saisie des parts sociales détenues par leur débiteur dans plusieurs sociétés civiles immobilières, dont une société civile immobilière. En 2017, avant sa dissolution et sa liquidation, la SCI a procédé à la cession d’un immeuble, acquis en 2005 pour un montant de 120 000 euros, au profit d’un coassocié du débiteur et de l’épouse de ce dernier, pour un prix de 75 000 euros. Les créanciers ont alors assigné le débiteur, le coassocié acquéreur et l’épouse de ce dernier, en réparation, en invoquant notamment une fraude paulienne. II – La cour d’appel a rejeté la demande des créanciers tendant à la condamnation solidaire des acquéreurs à leur verser une somme correspondant au montant de leur créance à l’encontre du débiteur. Pour statuer ainsi, la cour a retenu que l’immeuble litigieux avait été vendu à un prix…
Sécheresse, fissures et indemnisation : cadre légal de la garantie catastrophes naturelles (Cat-Nat)
Les épisodes de sécheresse prolongée constituent une réalité préoccupante, engendrant fréquemment des dommages matériels significatifs, notamment l’apparition de fissures sur les murs. Ces désordres soulèvent des questions majeures quant à leur prise en charge par les assurances, en particulier dans le cadre de la garantie catastrophes naturelles (Cat-Nat). I – La garantie Cat-Nat La garantie Catastrophes Naturelles dite garantie Cat Nat est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de dommages. En vertu de l’article 125-1 du Code des assurances « les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. » La garantie Cat-Nat couvre les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures…
RISQUE INCENDIE : OBLIGATIONS RENFORCEES POUR LES VENDEURS ET BAILLEURS
La loi n° 2023-878 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie a instauré de nouvelles obligations pour les propriétaires et bailleurs concernés par des zones à risque. Ces mesures sont précisées et mises en œuvre par le décret n° 2024-405 du 29 avril 2024. À compter du 1er janvier 2025, les propriétaires de biens immobiliers situés dans des territoires particulièrement exposés au risque d'incendie devront informer les acquéreurs et les locataires sur les obligations légales de débroussaillement (OLD). I – Information renforcée dans la procédure de vente et de location Le décret actualise la procédure d’élaboration de l’état des risques et pollutions (ERP) et impose au vendeur ou bailleur d’informer le potentiel acquéreur ou locataire, dès la publication de l’annonce immobilière, de l’existence d’obligations légales de débroussaillement dans les zones concernées. Cette information doit être donnée dès la publication de l’annonce immobilière et intégrée à l’ERP. Le document doit être remis : Cette obligation d’information s’impose donc à chaque étape de la transaction immobilière. Par ailleurs, le contenu de l’état…
EXPROPRIATION : DELAI DE CONCLUSIONS EN APPEL ET NOTIFICATION ELECTRONIQUE
La représentation par avocat étant désormais obligatoire en matière d'expropriation et l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel visant tous les actes de procédure, le délai de trois mois dans lequel l'intimé doit conclure ou former un appel incident, prévu à l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, court à compter de la première notification valable des conclusions de l'appelant faite par le greffe ou l'appelant lui-même, le cas échéant par voie électronique. Cour de cassation, 10 juillet 2025, n° 24-10.402 I – À la suite de l’expropriation d’un immeuble au profit d’une personne morale de droit public, les indemnités de dépossession, fixées par un jugement du 13 février 2020, ont été versées par l’expropriante le 7 janvier 2021. L’expropriée s’étant maintenue dans les lieux au cours de la procédure d’appel, l’expropriante a saisi le juge de l’expropriation afin d’obtenir son expulsion. II – II – 1. La cour d’appel a rejeté la demande d’expulsion formée par l’expropriante, considérant que les conditions légales de…
Suspension des loyers et arrêté de péril
L'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoit la cessation de l'exigibilité des loyers des locaux visés notamment par un arrêté de mise en sécurité, n'est applicable, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, qu'en cas d'occupation d'un logement. Cour de cassation, 3 juillet 2025, n° 23-20.553 I – Des indivisaires, propriétaires d’un local à usage commercial, ont consenti à une société un bail commercial portant sur ce bien. Postérieurement à un arrêté de péril grave et imminent en date du 18 février 2021, mettant à la charge des bailleurs diverses mesures de sécurisation, un nouveau bail commercial a été conclu le 15 juin 2021, prenant effet rétroactivement au 1er juillet 2020. La locataire a assigné les bailleurs devant le juge des référés, sollicitant la condamnation provisionnelle au remboursement des loyers versés depuis l’arrêté de péril, ainsi que la suspension de son obligation de paiement des loyers jusqu’à l’exécution des travaux prescrits. II – La Cour d’appel a ordonné la suspension des loyers dus par la locataire, à compter du…
PRESCRIPTION DE L’ACTION EN RESILIATION DU BAIL
Les obligations continues du bailleur de délivrer au preneur la chose louée et de lui en assurer la jouissance paisible sont exigibles pendant toute la durée du bail, de sorte que la persistance du manquement du bailleur à celles-ci constitue un fait permettant au locataire d'exercer l'action en résiliation du bail. Cour de cassation, 10 juillet 2025, n° 23-20.491 I – Un bail commercial a été consenti à une société commerciale portant sur un terrain, des hangars et des bureaux destinés à une activité d’exploitation forestière, de négoce de bois d’œuvre et de scierie. La locataire a par la suite reproché au bailleur d’avoir réduit d’un tiers la surface des lieux loués, en y édifiant un hangar et un parking donnés à bail à un tiers, et d’avoir ainsi entravé l’accès aux bâtiments loués. La locataire a alors assigné le bailleur en résiliation du contrat de bail et en indemnisation du préjudice subi. II – La cour d’appel a jugé l’action en résiliation du bail, intentée par la locataire sur le fondement des manquements du bailleur à ses obligations de…
INCIDENCE DE LA FAUTE DE LA VICTIME SUR L’ETENDUE DU DROIT A REPARATION
Il résulte de l'article 1240 du code civil que, si la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, sa faute, lorsqu'elle a contribué à l'aggravation du dommage, diminue son droit à réparation. Cour de cassation, 5 juin 2025, n° 23-23.775 I – Par un arrêté préfectoral de 1978, une société industrielle a été autorisée à exploiter, dans une ancienne carrière d’argile, une décharge destinée à accueillir des résidus de traitement chimique issus de son activité de fabrication d’acier. Cette exploitation a cessé en 1992, et des travaux de remise en état ont été prescrits par l'administration en 1997, achevés deux ans plus tard. Estimant que la décharge avait entraîné une pollution de leurs terrains et d’un cours d’eau voisin, des éleveurs exploitant une ferme bovine ont sollicité, dès 2001, la désignation d’un expert en référé. Face à la persistance des troubles allégués, plusieurs expertises supplémentaires ont été ordonnées jusqu’en 2017. En 2019, les exploitants agricoles ont assigné l’exploitant industriel, agissant en qualité de successeur de la société initialement autorisée, afin d’obtenir la réparation des préjudices…
SERVITUDE DE PASSAGE : UN DROIT REEL AU PROFIT DU FONDS ET NON DE SON PROPRIETAIRE
Une servitude pour cause d'enclave ne peut être instituée que pour l'usage et l'utilité d'un fonds déterminé et non au profit d'une personne. Cour de cassation, 19 juin 2025, n° 24-11.456 I – Le propriétaire d’une parcelle a assigné, en dénégation de servitude et en interdiction de passage sur celle-ci, le propriétaire de plusieurs terrains agricoles voisins ainsi que le preneur à bail rural exploitant plusieurs de ces terrains. Le propriétaire voisin et le preneur à bail rural ont demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée l'existence d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle ou, à titre subsidiaire, une servitude légale de passage pour cause d'enclave. II – L’arrêt de la Cour d’appel rendu sur renvoi après cassation retient que le propriétaire des terrains agricoles voisins bénéficie d’une servitude légale pour cause d’enclave. La Cour d’appel retient que ce dernier ne peut pas passer sur le chemin appartenant à une association syndicale autorisée dont il n’est pas membre et que si son locataire avait déjà emprunté ce chemin, la tolérance de passage sur ce chemin n’a pas été maintenue.…

