Source : Cass.Com., 24 mai 2018, n° 17-27969, n° 458 F-D
I – Les faits.
Une Banque accorde un prêt à une société et prend en garantie le cautionnement d’une personne physique.
La société fut mise en liquidation judiciaire ce qui conduira fort logiquement la Banque à actionner la caution.
Relevant des manquements, la caution assignera la Banque en dommages-intérêts.
C’est au cours de la mise en état que le Conseiller, sous l’impulsion de la caution, a sollicité la communication de l’étude de ses services internes, et notamment de son comité d’audit, sur la viabilité de l’opération financée, ainsi que son analyse préalable à l’octroi du crédit souscrit.
Suite à un déféré-nullité infructueux, la Banque se pourvoit en cassation au motif d’un excès de pouvoir du Conseiller de la mise en état.
La Banque estime en effet que les documents sont couverts par le secret bancaire de sorte qu’elle ne peut être contrainte de les produire.
II – Retour sur le principe de droit.
Le secret bancaire est régi par l’article L511-33 du Code monétaire et financier qui précise :
« Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit ou d’un organisme mentionné au 5 de l’article L. 511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel.
Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel, ni à la Banque de France, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.
Les établissements de crédit peuvent par ailleurs communiquer des informations couvertes par le secret professionnel, d’une part, aux agences de notation pour les besoins de la notation des produits financiers et, d’autre part, aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent les opérations ci-après énoncées, dès lors que ces informations sont nécessaires à celles-ci :
1° Opérations de crédit effectuées, directement ou indirectement, par un ou plusieurs établissements de crédit ;
2° Opérations sur instruments financiers, de garanties ou d’assurance destinées à la couverture d’un risque de crédit ;
3° Prises de participation ou de contrôle dans un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement ;
4° Cessions d’actifs ou de fonds de commerce ;
5° Cessions ou transferts de créances ou de contrats ;
6° Contrats de prestations de services conclus avec un tiers en vue de lui confier des fonctions opérationnelles importantes ;
7° Lors de l’étude ou l’élaboration de tout type de contrats ou d’opérations, dès lors que ces entités appartiennent au même groupe que l’auteur de la communication.
Outre les cas exposés ci-dessus, les établissements de crédit peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire.
Les personnes recevant des informations couvertes par le secret professionnel, qui leur ont été fournies pour les besoins d’une des opérations ci-dessus énoncées, doivent les conserver confidentielles, que l’opération susvisée aboutisse ou non. Toutefois, dans l’hypothèse où l’opération susvisée aboutit, ces personnes peuvent à leur tour communiquer les informations couvertes par le secret professionnel dans les mêmes conditions que celles visées au présent article aux personnes avec lesquelles elles négocient, concluent ou exécutent les opérations énoncées ci-dessus. »
Cet article tend à protéger les clients des Banques et non pas cette dernière contre ses propres erreurs.
III – Le cas d’espèce.
La Cour de cassation rejettera le pourvoir en précisant que « Mais attendu que le secret bancaire institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier ne constitue pas nécessairement un empêchement légitime au sens de l’article 11 du code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l’établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident, mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l’opération contestée […] c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la communication des documents litigieux, nécessaire à la solution du litige, pouvait être exigée de la banque sans que celle-ci puisse invoquer les règles du secret bancaire ; »
Il y a lieu de pondérer cet arrêt et préciser que celui qui recherche la responsabilité de l’établissement bancaire ne peut exiger de ce dernier la production de tous documents ou cela aboutirait à un renversement de la charge de la preuve.
Le demandeur ne peut effectuer qu’une demande que pour des éléments qu’il ne peut obtenir par ses propres moyens ET qui sont nécessaires à l’instruction de l’affaire présentée.
Seul le juge pourra exiger la levée du secret dans un cadre de proportionnalité et du caractère indispensable à l’exercice du droit de la preuve.[1]
Jacques-Eric MARTINOT
Vivaldi Avocats.
[1] Cass. 1re civ., 22 juin 2017, n° 15-27.845